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COMMUNE LE BERSAC
Hautes-Alpes



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HYPER-RURALITĒ


Rapport établi par M. Alain BERTRAND, Sénateur de Lozère


Remis à Mme Sylvia PINEL, ministre du Logement et de l’Égalité des territoires

le 30 juillet 2014 dans le cadre de la mission confiée par M. Manuel Valls, Premier ministre


Un pacte national en 6 mesures et 4 recommandations pour « restaurer l’égalité républicaine »


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Juillet 2014

Sommaire

Préambule 5

Synthèse 7

Introduction : pas de sous-territoire, pas de sous-citoyen ! 11

  1. L’hyper-ruralité : un enjeu majeur pour l’égalité des territoires 12

    1. Impasse sur la ruralité, notion valise et désormais inopérante 12

    2. L’hyper-ruralité : reconnaître la ruralité de l’éloignement 13

    3. Les territoires hyper-ruraux sortis de l’écran radar républicain : victimes collatérales de la crise et de la focalisation métropolitaine 16

    4. L’hyper-ruralité : hinterland indispensable au succès des métropoles 18

    5. Malgré les handicaps, des territoires d’avenir et d’équilibre face à la congestion urbaine 19

    6. Des territoires capables d’initiatives mais lourdement entravés 21

  2. Une action publique inadaptée à l’hyper-ruralité 22

    1. Une décentralisation qui a continûment bénéficié aux capitales régionales et aux grandes villes, en creusant les inégalités 22

    2. Un florilège de dispositifs d’aide, insuffisamment ciblés ou inefficaces 23

    3. Des politiques sectorielles de l’Etat plus suivistes que pro-actives, pénalisant trop souvent l’hyper-ruralité 24

    4. Des réformes de l’organisation territoriale de l’Etat à rebours de l’efficacité, jusqu’à mettre en danger le signal républicain 25

    5. Des normes et règles nombreuses et toujours plus exigeantes appliquées uniformément à tous les territoires 28

    6. : Santé, Internet et téléphonie : 3 fondamentaux d’avenir pour l’hyper-ruralité, maltraités par l’action publique 30

    7. Bilan : un Etat préférant l’uniformité de vision à l’égalité des chances, le déménagement à l’aménagement des territoires 32

  3. Un pacte national pour l’hyper-ruralité proposé au gouvernement 34

    1. Au nom de l’urgence à faire l’égalité des territoires 34

    2. Au nom du pragmatisme et de l’efficacité collective 35

    3. Savoir s’inspirer de la politique nationale de ruralité du Québec 36

  4. Un pacte national pour l’hyper-ruralité en dix propositions simples et efficaces 38

Mesure 1 : L’obligation de traiter de l’hyper-ruralité 38

Mesure 2 : L’engagement de non-décroissance du signal républicain 40

Mesure 3 : La création d’un « guichet unique hyper-ruralité » piloté par l’Etat 42

Mesure 4 : La règle de « démétropolisation » 44

Mesure 5 : La création d’un pôle national d’expertise 45

Mesure 6 : Le droit à la pérennisation pour les expérimentations efficientes 46

Recommandation 1 : Constituer des intercommunalités fortes et assurer la représentation des maires et élus de l’hyper-ruralité 48

Recommandation 2 : Moderniser la péréquation et stimuler de nouvelles alliances contractuelles . 50 Recommandation 3 : Revaloriser les fonctions publiques de l’hyper-ruralité 51

Recommandation 4 : Instaurer une politique énergique pour revitaliser l’habitat ancien des petites villes et centres bourgs de l’hyper-ruralité 53

Remerciements 55

Annexes 57

Préambule


Dans le cadre de la politique menée par le Gouvernement et le Président de la République en faveur de l’égalité des territoires, M. le Premier Ministre nous a confié, le 11 février 2014, une mission auprès de Mme la Ministre du logement et de l’égalité des territoires, relative au développement et à la mise en capacité des territoires « hyper-ruraux »1.

Intervenant dans un contexte fortement évolutif (Acte III de la décentralisation, réforme territoriale, constitution du commissariat général à l’égalité des territoires, …), notre mission devait a priori :

  • évaluer les dispositifs existants d’aide au développement économique, applicables aux territoires hyper-ruraux (critères d’éligibilité, ciblage, efficacité) ;

  • proposer, le cas échéant, des évolutions de ces dispositifs afin de favoriser la mise en capacité des territoires hyper-ruraux, dans un contexte de sérieux budgétaire, en dépassant les seules mesures économiques et en s’intéressant à l’ensemble des possibilités pratiques d’action publique ;

  • formuler des propositions de mesures nouvelles pour renforcer la mise en capacité des territoires hyper-ruraux, afin de leur donner la chance légitime d’être au service du développement national.

    Compte tenu de la réalisation concomitante de missions à l’initiative du Gouvernement et du Parlement portant sur des sujets voisins, notamment l’évaluation du dispositif des zones de revitalisation rurale, nous avons jugé préférable de concentrer notre réflexion sur une analyse globale de la situation des territoires hyper-ruraux, de leurs potentialités et des possibilités pour l’action publique de favoriser effectivement leur mise en capacité de rebond.

    L’action publique doit être utile au développement économique et à la création d’emploi au service du territoire national, aujourd’hui et demain. Déterminante dans les stratégies et l’avenir de l’hyper-ruralité, l’agriculture mérite une approche spécifique. Elle est, de ce fait, volontairement peu abordée dans le présent rapport.

    Cherchant à associer responsabilité, pertinence et pragmatisme, le travail de la mission :

  • s’appuie sur les travaux publiés et la contribution spécifique d’experts de référence en matière de socio-économie et de développement des territoires ruraux ;

  • se fonde sur l’audition et les contributions d’experts, élus ou acteurs territoriaux de toute nature ;

  • s’attache à formuler un ensemble cohérent de propositions réalistes et en nombre limité, sous la forme d’un « pacte national pour l’hyper-ruralité ». Les modalités sont parfois détaillées pour en faciliter l’interprétation.

    Il appartiendra au Gouvernement de décider des moyens permettant la mise en œuvre des mesures et recommandations de ce pacte, à travers une loi spécifique ou toute autre voie jugée pertinente.


    Alain BERTRAND


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    1 voir lettre de mission en annexe 1

    Synthèse


    La notion de « ruralité », susceptible de concerner 80% du territoire, ne fait plus sens. Elle est aujourd’hui dépassée par le fonctionnement du « système territorial » fait de centralités, de réseaux et de flux (de personnes, de biens, d’activités, d’informations…) à toutes les échelles, en interaction permanente et évolutive. Désormais dépendants les uns des autres, les territoires recèlent des capacités et des besoins différenciés qu’il est utile d’appréhender.

    En ce sens, l’hyper-ruralité existe bel et bien : 26% du territoire accueillent seulement 5,4 % de la population française et se distinguent, outre la faible densité de population, par le vieillissement, l’enclavement, les faibles ressources financières, le manque d’équipement et de services, le manque de perspectives, la difficulté à faire aboutir l’initiative publique ou privée, l’éloignement et l’isolement sous toutes ses formes. En un mot : un entassement de handicaps naturels ou créés.

    La situation, aujourd’hui critique voire au seuil de l’effondrement pour les zones hyper- rurales les plus fragiles, est le fruit de l’Histoire, particulièrement de l’évolution des dernières décennies : les dynamiques urbaines et la métropolisation croissante de la France concentrent mécaniquement dans ces lieux l’activité économique porteuse d’emplois, les métiers qualifiés ou d’avenir, la création de richesses. Ils sont vus comme les moteurs d’un développement supposé rejaillir sur le reste du territoire national.

    L’expertise contredit cependant cette idée reçue à deux niveaux.

    D’une part, l’hyper-ruralité s’avère en réalité indispensable au développement métropolitain : en termes d’aménités, de loisirs et de ressourcement, mais aussi de patrimoine, de capital naturel, de production agricole... Elle est porteuse en son sein de ressources et de potentiels de développement économique, social et écologique pouvant être mises au service de tous. Elle possède aussi des atouts et capacités qui jouent chaque jour un peu plus en sa faveur. A la congestion urbaine, l’insécurité croissante, la difficulté d’accès au logement, le « mal vivre » dans les villes,… s’oppose le potentiel de l’hyper-ruralité : un cadre de qualité, un foncier accessible, des relations de proximité souvent solides, favorables à la nécessaire relocalisation d’activités et la recherche de meilleures conditions de vie.

    D’autre part, les inégalités territoriales, auparavant atténuées par la convergence des niveaux de développement entre régions et les mécanismes de redistribution publique, se creusent de nouveau gravement, faisant subir aux territoires hyper-ruraux une accumulation persistante de handicaps dont la plupart ne relèvent pas de la fatalité mais de choix de société, assumés ou non. Le déficit croissant en services publics et de santé, le retard flagrant en matière de desserte numérique, la persistante d’infrastructures de transports insuffisantes qui entretiennent l’enclavement ou encore les faibles ressources financières de collectivités locales sur-sollicitées face aux besoins, ne sont pas liés au seul contexte géographique.

    En dépit de cette adversité, les habitants et acteurs de l’hyper-ruralité, qui n’ont pas encore baissé les bras, se mobilisent, individuellement ou collectivement, parfois avec succès mais dans un véritable parcours du combattant.

    Les attentes à court terme de ces territoires, trop souvent présentées et comprises comme un perpétuel « retard à combler ». Leurs combats défensifs incessants, absorbent l’énergie des forces vives et les empêchent de penser librement l’avenir. Focalisés sur leurs difficultés de court terme et du fait des menaces qui pèsent constamment sur eux, les territoires hyper- ruraux sont finalement « assignés » à une politique exclusivement défensive se résumant à :

    « comment ne pas perdre cela après tout le reste… ».

    En réalité, l’action publique, supposée combattre ces inégalités, les a accentuées sur bien des aspects, pour des raisons diverses :

  • la décentralisation a conduit l’Etat à renoncer à une vision stratégique d’aménagement du territoire national et, outre une concurrence absurde, a entraîné la plupart des collectivités à reproduire, à leur échelle, une hyper-centralisation préjudiciable à l’hyper-ruralité, au profit des grandes villes, agglomérations et capitales régionales ;

  • les services de santé, la téléphonie mobile, Internet et les services et infrastructures de transports sont aujourd’hui essentiels à la population et constituent la base de l’attractivité résidentielle et économique. Mais malgré les solutions disponibles, ils restent très insuffisamment déployés dans les territoires hyper-ruraux, du seul fait des choix retenus par les pouvoirs publics. Ceci entrave directement la mise en capacité de l’hyper-ruralité, quels que soient ses efforts pour s’en sortir ;

  • l’inflation continue des normes, régulièrement dénoncée, l’alourdissement des procédures et donc des charges incompressibles pour y faire face, la technicité de l’ingénierie administrative, technique, financière, juridique… qu’il faut désormais savoir réunir, in situ ou avec des concours externes, est globalement hors d’atteinte des compétences et des moyens de l’hyper-ruralité ;

  • la réorganisation territoriale des services de l’Etat (notamment avec la RGPP), qui a accentué la perte de culture territoriale et la concentration de l’expertise dans les échelons supérieurs et les centres urbains, s’est globalement faite au détriment des territoires hyper-ruraux.

Quant aux aides financières de l’Etat aux territoires ruraux, elles s’avèrent peu efficaces et insuffisamment discriminantes. En outre, elles contribuent à entretenir à tort, dans les villes et les lieux de décision, l’idée que l’on fait encore beaucoup, voire trop, pour une ruralité toujours « pleureuse » - éventuellement sur-représentée - et qui refuserait de prendre son avenir en main, alors que la décentralisation lui en offre la possibilité.


Derrière ces constats, apparaît le fait que les politiques, « urbano-centrées » d’un Etat de plus en plus « hors sol » ou « déterritorialisé », sont aussi largement orientées par des réflexes culturels, des méthodes, des critères et des indicateurs chiffrés très souvent inadaptés, qui entretiennent le système et placent l’hyper-ruralité systématiquement hors jeu.

Dès lors, des réponses réalistes doivent s’opposer à cette « fatalité qui n’en est pas une. »

Inspiré par l’approche pragmatique et efficace de la politique nationale de ruralité du Québec, le rapport propose un pacte national pour l’hyper-ruralité. Celui-ci est justifié à trois titres :

  1. au nom de la mise en œuvre effective et urgente du principe d’égalité des territoires, dont il pourrait constituer une première traduction politique d’envergure ;

  2. parce que les 26% de territoires hyper-ruraux en France ont la capacité réelle de participer au développement national, à la création de richesses et d’emplois, et à la qualité de vie ;

  3. parce qu’intervenir trop tard, après effondrement de l’hyper-ruralité, coûterait in fine

beaucoup plus cher à l’Etat et au pays dans son ensemble.

Fixant des objectifs clairs sur le long terme, le pacte s’appuie sur des mesures opérationnelles pouvant faire l’objet d’une évaluation et d’une actualisation régulières :

  • Mesure 1 : L’obligation de traiter de l’hyper-ruralité dans les lois, la planification, la programmation ;

  • Mesure 2 : L’engagement de non décroissance du signal républicain appuyé sur la notion de missions délocalisées au bénéfice de l’hyper-ruralité » ;

  • Mesure 3 : La création d’un « guichet unique hyper-ruralité » piloté par l’Etat,

    rendre possible l’initiative qui ne l’était pas, ou pas facilement ;

  • Mesure 4 : La règle de « démétropolisation », c’est à une troisième décentralisation intelligente que nous appelons, depuis les métropoles, les grandes villes et les capitales régionales vers les territoires hyper-ruraux ;

  • Mesure 5 : La création d’un pôle national d’expertise, mettre l’intelligence de l’Etat au service de l’hyper-ruralité ;

  • Mesure 6 : Le droit à la pérennisation pour les expérimentations efficientes, valoriser les modèles performants et leur permettre d’innover au service de l’ensemble de la France .

    Elles sont complétée de 4 recommandations portant sur des problématiques connexes mais déterminantes pour compléter la mise en œuvre des mesures :

  • Recommandation 1 : Constituer des intercommunalités fortes et assurer la représentation des maires et élus de l’hyper-ruralité ;

  • Recommandation 2 : Moderniser la péréquation et stimuler de nouvelles alliances contractuelles ;

  • Recommandation 3 : Revaloriser les fonctions publiques de l’hyper-ruralité ;

  • Recommandation 4 : Instaurer une politique énergique pour revitaliser l’habitat ancien des petites villes et centres bourgs de l’hyper-ruralité.


    Il ne peut y avoir de sous-territoire, de même qu’il ne peut y avoir de sous-citoyen et de minorité sacrifiée et interdite d’avenir au profit… non pas tant du bien-être de la majorité mais plutôt du seul respect d’une vision dominante, nourrie par les habitudes, les indicateurs, et la mécanique des processus de décision.

    La solidarité républicaine et la cohésion nationale doivent l’emporter, en s’appuyant sur un Etat modernisé et « vertébré ». La remise en capacité des territoires hyper-ruraux concourt à l’avenir démographique, économique et social de 26 % de l’espace national, donc au potentiel de développement et d’égalité pour l’avenir de la France dans son ensemble.

    Introduction : pas de sous-territoire, pas de sous-citoyen !


    « Comment réconcilier les passions françaises pour l’égalité et pour les territoires au bénéfice des citoyen(ne)s ? […] L’égalité des territoires n’est ni innée, ni spontanée. Les territoires sont par nature inégaux et le jeu du marché, combiné à celui des politiques publiques, tend à les rendre plus inégaux encore. »

    Eloi LAURENT, introduction au rapport « Vers l’égalité des territoires » (2013)


    Après une longue période de convergence des niveaux de développement entre régions françaises, les dernières décennies ont vu s’inverser la tendance et apparaître de nouvelles formes de creusement des inégalités entre territoires. La notion de fracture territoriale décrit une réalité.

    Plus tardive en France qu’en Angleterre ou en Allemagne, la dynamique de métropolisation2 accompagne le regroupement et la mutation de l’emploi et des activités économiques. Ce faisant, elle hyper-concentre progressivement avec elle les attentions, les références intellectuelles, les moyens d’action publics et privés, donc les perspectives. Elle se nourrit de la mobilité croissante des individus et de la convergence des modes de vie, qui sont devenus majoritairement « urbains » pour toutes les générations, jusqu’au cœur des campagnes.

    Parallèlement, existe une autre dynamique, porteuse d’une autre réalité vécue : celle des territoires hyper-ruraux, qui forment la partie la plus fragile des territoires ruraux « où l’enclavement, la faible densité de population, la faiblesse de certaines infrastructures peuvent constituer de réels freins au développement économique »3, ainsi qu’à l’attractivité démographique, à la création d’emploi et au progrès social.

    Malgré la diffusion des progrès techniques et technologiques, malgré l’élévation générale du niveau de vie et des standards éducatifs, malgré l’ouverture croissante de la France au monde… les territoires hyper-ruraux souffrent de la persistance et de la conjugaison de leurs principaux handicaps : faible densité de population, faible niveau d’équipement, faibles ressources financières et intellectuelles, freins multiples à la mobilité...

    En dépit des atouts dont ils disposent par ailleurs, de tels handicaps cumulés et durables deviennent facteurs de régression : ils plombent l’attractivité de ces territoires, réduisent leurs perspectives de rebond et conduisent finalement à la disparition progressive des services les plus essentiels, jusqu’à l’effacement de la présence républicaine.

    Au fond, l’hyper-ruralité subit tous les jours son éloignement des pôles urbains, devenus les lieux de décision mais aussi - plus grave - les seuls lieux pris en référence pour la décision publique et privée.

    C’est en ce sens que la résolution adoptée par le Sénat le 13 novembre 20124 pointe la situation particulière de l’hyper-ruralité et « souligne le besoin d’instaurer et de développer une politique volontaire d’égalité des territoires ».

    Dans ce contexte, le présent rapport s’attache à caractériser précisément la réalité des territoires hyper-ruraux, ensuite à dresser un bilan de l’action publique qui s’y rapporte, enfin à proposer une réponse adaptée, sous la forme d’un pacte national pour l’hyper-ruralité, assorti de propositions opérationnelles.


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    2 qui organise le territoire autour de métropoles généralement en croissance urbaine

    3 voir lettre de mission en annexe 1

    4 Résolution n° 132 présentée par le groupe RDSE, relative au développement par l’Etat d’une politique d’égalité des territoires

    1. L’hyper-ruralité : un enjeu majeur pour l’égalité des territoires


      1. Impasse sur la ruralité, notion valise et désormais inopérante


        Une certitude s’impose aujourd’hui : qu’elle soit louée ou décriée, la notion de « ruralité » ne fait plus sens et ne permet plus de décrire de façon opérante les 80 % du territoire national qui, par défaut, ne peuvent pas être considérés comme des zones urbaines.

        D’une part, le couple ville-campagne, loin de s’opposer, fait désormais « système », dans le vécu quotidien des individus, dans les habitudes culturelles et de consommation, dans la succession des lieux de vies, dans les flux économiques et la circulation des richesses, dans l’interdépendance des systèmes territoriaux.

        D’autre part, il n’y a pas une mais des ruralités, comme le développe précisément l’étude de référence réalisée en 2011 pour le compte de la délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR5), sur la « typologie des campagnes françaises »6.

        Dorénavant, invoquer « la ruralité » en général ne suffit plus à fonder une quelconque politique d’aménagement ou d’égalité des territoires. Malgré son aspect rassembleur, une telle approche conduit à assimiler des problématiques trop diverses et à risquer de diluer les moyens publics sans les adapter aux besoins réels. En témoigne, par exemple, l’étendue excessive, devenue incohérente, du dispositif des zones de revitalisation rurale, actuellement en cours de réexamen7. D’autres rapports récents8 établissent une liste de propositions difficiles à prioriser et à mettre en œuvre pour l’ensemble des territoires ruraux, au regard des moyens dont la puissance publique dispose aujourd’hui.

        De même, la notion de montagne9, qui recoupe 48 départements, représente des réalités économiques et sociologiques trop radicalement antagonistes pour constituer une approche pertinente de l’hyper-ruralité.

        La « Typologie des campagnes françaises » distingue trois catégories de « campagnes » :

  • Les campagnes des villes, des vallées et du littoral (26 % de la population sur 26% du territoire), qui connaissent une influence forte et croissance des villes, se densifient, enregistrent une croissance résidentielle marquée ou modérée, avec l’arrivée de populations plutôt jeunes, diplômées et actives, et connaissent une dynamique économique tirée par le développement de l’économie présentielle ;

  • les campagnes agricoles et industrielles (9% de la population sur 26% du territoire), peu denses, dont la dynamique démographique est fortement liée à celle des villes, parfois éloignées, qui structurent l’espace (avec une situation moins favorable dans l’est que dans


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    5 désormais intégrée dans le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET)

    6 « Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques (littoral, montagne et DOM) », DATAR (2011)

    7 rapport d’étape du 25 février 2014 de la mission d’information sur les ZRR de MM. Calmette et Vigier, députés

    (Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale) et mission interministérielle sur les ZRR confiée le 18 février 2014 à l’IGA, l’IGAS, le CGAAER et le CGEDD

    8 comme le rapport « Campagnes, le grand pari » de la mission « Nouvelles ruralités » de l’assemblée des départements de France

    9 Au sens de la loi Montagne

    l’ouest de la France), et qui présentent un taux de chômage élevé et une faible croissance des emplois ;

  • les campagnes de la très faible densité (8% de la population sur 42% du territoire) longtemps marquées par l’exode rural, qui connaissent depuis quelques années un brassage et pour certaines un regain démographique, mais n’échappent pas à un fort vieillissement et à une tendance à la paupérisation des populations qui y vivent – l’économie de ces territoires reste dominée par les activités agricoles et agro-alimentaires, avec dans certaines zones, notamment en montagne, une part importante de l’économie liée au tourisme.

    L’hyper-ruralité correspond à la fraction la plus rurale, la plus enclavée, la plus distante des services et la moins pourvue en centralités, de cette troisième catégorie.

    Il s’agit désormais pour l’action publique de mettre en place des politiques adaptées à ces réalités plurielles : engager une réforme législative en faveur de l’affirmation des métropoles est une nécessité pour le positionnement de la France en Europe et dans le monde, tout comme pour la qualité de vie dans ces métropoles. Mais il faut également être en mesure de préparer l’avenir des autres territoires, quelles que soient les enjeux auxquels ils sont confrontés.

    Si les campagnes agricoles et industrielles ont été parmi les premières victimes de la crise économique installée depuis 2008 en France et nécessitent des actions de soutien spécifiques et énergiques, notamment dans les domaines économique et social, les territoires hyper- ruraux, quant à eux, en sont rendus au seuil critique entre la survie et la disparition.

    Ils sont l’unique objet de ce rapport.


      1. L’hyper-ruralité : reconnaître la ruralité de l’éloignement


        Regroupant environ 5% de la population française et 14% des communes sur près de 26 % du territoire national10, l’hyper-ruralité incarne la « ruralité de l’éloignement » sous toutes ses formes :

  • éloignement des individus entre eux (faible densité de population) ;

  • éloignements des individus vis-à-vis des services du quotidien et éloignement entre les pôles qui assurent modestement, parfois avec difficulté, le rôle de centralité pour ces territoires (faible densité en pôles de services de tous types) ;

  • éloignement de ces territoires vis-à-vis des métropoles, agglomérations, pôles urbains, bassins d’emploi, centres universitaires ou de décision, tant du fait des distances à parcourir que des conditions d’enclavement géographique.

    Etablie à partir de la typologie des campagnes françaises de la DATAR et prenant en compte l’accessibilité des services à la population11, la carte ci-après présente la répartition des 250 bassins de vie hyper-ruraux, suivant la nomenclature Insee 2012.

    L’identification de ces bassins de vie hyper-ruraux pourra permettre à l’avenir d’en établir et suivre le portrait statistique, qui malheureusement n’existe pas aujourd’hui. Les indicateurs de base confirment que ces bassins de vie concentrent :



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    10 départements d’outre-mer inclus

    11 voir annexe 2

  • la grande majorité des communes à faible densité de population, avec une médiane de 22 hab./km2, soit 3 à 4 fois plus faible que dans les autres territoires « ruraux » (74,6 hab./km2) ;

  • des populations généralement à faibles revenus, avec une moyenne d’âge élevée et un vieillissement nettement accentué (plus du quart de la population est âgé de plus de 65 ans, contre seulement 17 à 18% dans les autres territoires),

  • un taux d’emploi12 significativement plus faible (63,4% contre 65,6%) que dans les autres territoires ruraux, avec une part relativement plus élevée de l’économie présentielle13 (72,9% contre 64,8%), du fait de la faible représentation du tissu productif. Devenue largement minoritaire en France, la part d’emploi agricole y reste relativement élevée, voire très élevée pour certaines communes ;

  • un temps d’accès aux services et à l’emploi nettement supérieurs à la moyenne française pour la majorité de leurs communes qui les composent, en lien avec l’absence de centralités fortes14.


3,4 millions d’habitants, 5,4 % de la population…

… sur 26 % du territoire.


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Ainsi se dessine et existe la France hyper-rurale : structurée autour de la « diagonale du vide », elle englobe aussi des territoires jusqu’à présent moins identifiés, aux confins de départements ruraux de plaine ou l’influence des villes-centres est trop faible pour irriguer le territoire en continu (par exemple, le secteur limitrophe entre Vienne, Haute-Vienne et Indre),


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12 rapport entre le nombre d’actifs occupés de 15 à 64 ans et la population totale du même âge

13 mesurée par le rapport entre le nombre d’emplois de la sphère présentielle sur le nombre total d’emplois

14 en cohérence avec la méthode employée pour leur identification, voir annexe 2

ainsi que des territoires de moyenne ou de haute montagne faiblement équipés (Alpes du sud, Est des Pyrénées, massif central, Corse).

Quelques départements voient leur territoire constitué en majorité voire en totalité de bassins de vie hyper-ruraux, en incluant parfois celui de la ville préfecture : La Creuse, le Lot, le Cantal, l’Ariège, la Lozère, les Hautes Alpes, les départements corses…

Petites villes préfectures, sous-préfectures ou simples chefs-lieux de canton, les rares

« centralités » de toutes tailles forment un maillage indispensable au fonctionnement des territoires hyper-ruraux, en concentrant la plupart des services indispensables à la vie locale.

Beaucoup d’entre elles, victimes de leur isolement, de leur faible attractivité et de la fragilité des espaces qu’elles structurent, redoutent le seuil critique en-deçà duquel leur propre déclin, devenu visible, entraîne celui du territoire dans son ensemble.


Dès lors, que veut dire concrètement : « vivre aujourd’hui en territoire hyper-rural » ?


  • C’est d’abord la « culture de la reculade », de la défensive permanente, depuis les quelques centralités ou petites villes qui souffrent, jusqu’au « bourg centre », le plus souvent chef lieu de canton, qui voie ses commerces, services et entreprises s’amenuiser ou disparaître.

  • C’est aussi accepter de voir les jeunes partir travailler et vivre ailleurs et accepter le spectacle de villages aux maisons fermées.

  • C’est aussi le fait que le simple AVC… y est plus létal et laisse plus de séquelles qu’ailleurs15.

  • C’est aussi le distributeur bancaire, la station service ou la pharmacie les plus proches à 10, 20 ou 30 km, les études des enfants à 200 ou 300 km minimum, le carburant, les fruits et légumes, les matériaux, l’approvisionnement des entreprises beaucoup plus cher qu’ailleurs.

  • C’est aussi une superposition de handicaps naturels, parfois d’altitude, de météorologie, de fertilité des sols… connus et acceptés comme tels, auxquels s’ajoutent des handicaps de précarisation « républicaine » : services publics et assimilés en voie de disparition, services aux personnes (comme en matière de santé ou de maladie) moins performants, l’absence de médecine spécialisée, d’hélicoptère de secours à l’année.

  • C’est aussi savoir qu’entreprendre, créer, expérimenter sera plus difficile qu’ailleurs ! Parce que les bassins de consommation sont éloignés, les transports difficiles, les équipements nécessaires moins présents.

  • C’est l’apprentissage de la réalité du « faible nombre aux grands effets » : peu d’habitants, peu de moyens, peu de services et commerces, et donc peu de priorité quand tout se décide au nombre : de passages, d’actes, d’habitants, de dossiers, d’abonnés, de clients, d’euros disponibles…

  • C’est un enclavement croissant, avec des lignes de chemin de fer devenues inutilisables, l’absence de liaison aérienne, la téléphonie mobile chaotique et aléatoire, la 3G ou 4G chimériques, le téléphone fixe qui commence à ne plus fonctionner, du fait de l’abandon d’entretien des lignes, Internet et le très haut débit reléguant ces territoires en bons derniers de la classe France.

  • ce sont aussi et heureusement des lieux paisibles et de caractère qui, hors de ce qui précède, pourraient apparaître comme le pays des merveilles !


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15 Annexe 4


A l’heure d’une société française moderne, mobile et connectée, existe une fraction hyper- rurale du territoire national où les populations et acteurs économiques qui y sont implantés, par choix ou par nécessité, se reconnaissent malheureusement dans cette description faite d’adversités. Celle-ci les place à l’écart du « main stream », voire à contre-courant, et sans que, bien souvent, la majorité du pays ne s’en rende véritablement compte.

Pouvant finir par se considérer oubliés et rejetés, ces territoires expriment leur souffrance et leur désarroi par des votes de plus en plus radicalisés16.


    1. Les territoires hyper-ruraux sortis de l’écran radar républicain : victimes collatérales de la crise et de la focalisation métropolitaine


      Les récents travaux de référence établis l’économiste Laurent Davezies17 illustrent avec précision les mécanismes ayant conduit, d’une part à la croissance de nouvelles inégalités territoriales au profit des métropoles, d’autre part aux effets inégaux de la crise économique actuelle sur les territoires français.

      En s’attaquant aux économies productives les plus fragiles, plutôt concentrées dans les territoires ruraux du fait de l’histoire, en diminuant l’accès au crédit (tant pour les particuliers en quête de logement que pour les petites entreprises cherchant à faire fonctionner leur activité), en réduisant massivement les marges de manœuvre dont l’Etat et les collectivités territoriales disposaient, notamment les moyens affectés au développement des équipements structurants et aux infrastructures porteuses de désenclavement… la crise n’a fait qu’aggraver la situation des territoires hyper-ruraux, en creusant l’écart avec les territoires métropolisés, dont les perspectives économiques et les moyens d’action restent dans tous les cas plus importants.

      Contrairement à d’autres territoires qui, précédemment en bonne posture, ont connu un retournement de tendance du fait de la crise, les territoires hyper-ruraux connaissent un déclin démographique et économique global et continu depuis des décennies, qui n’a pas nécessairement appelé une attention particulière.

      L’aggravation est pourtant réelle, faisant craindre des effets de seuil en-deçà desquels les conditions de vie et la capacité de rebond s’en verront durablement affectés, quels que soient les moyens qui seraient mobilisés à l’avenir pour y remédier.


      Loin du cœur, donc loin des yeux…

      De nombreux chercheurs et experts (économistes, géographes…), notamment le géographe Gérard-François Dumont18, ont largement mis en évidence, dans leurs travaux, l’importance du rôle joué par les indicateurs statistiques dans l’insuffisante finesse d’appréhension des espaces ruraux, à l’origine de régulières erreurs techniques et politiques à leur égard.



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      16 voir notamment les analyses du géographe Christophe GUILLUY, valables pour l’hyper-ruralité, dont l’article paru en janvier 2014 dans la Gazette des communes : « Les élites sont obnubilées par les métropoles ».

      17 Professeur au CNAM et à l'université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC) et expert indépendant

      18 Géographe et démographe, Professeur à l’université Paris-IV, spécialiste de la ruralité

      La gravité de la situation des territoires hyper-ruraux est sous-estimée, voire masquée, par la nature des indicateurs et critères couramment employés, ainsi que la manière dont ils sont interprétés. Par exemple :

      • Si le taux de chômage y est vu comme faible, c’est du fait de l’exode des populations

        ainsi recensées vers des zones urbaines plus propices aux opportunités d’emploi.

      • Si le revenu moyen n’y est pas toujours faible, cela est souvent dû au poids relatif plus important des emplois publics et aux aides spécifiques accordées aux exploitations agricoles (compensations de handicaps naturels ou contraintes particulières)19.

      • Si l’hyper-ruralité n’est pas considérée comme un désert médical, c’est parce que l’indicateur principal est le nombre de médecins rapporté à la population. Si on s’intéresse en revanche à l’accès aux soins (comme, par exemple, la distance à une pharmacie ou le risque létal suite à AVC20), on constate à l’inverse l’inéquité dont souffrent les territoires hyper-ruraux, leurs habitants mais aussi les touristes et visiteurs de passage.

      • Si l’enjeu essentiel du logement est clairement mis en évidence dans les métropoles et les

        « zones tendues » où le marché ne fournit pas une offre suffisante pour satisfaire la demande, il masque les problèmes majeurs de l’hyper-ruralité en matière d’habitat : mauvais état du parc de logement, vétusté, insalubrité, précarité énergétique, impossibilité d’accueillir des populations nouvelles par manque d’offre adaptée et donc déprise des centres bourgs…

      • Si les infrastructures de transport de l’hyper-ruralité sont les moins modernisées, c’est en rapport au critère de priorité lié à l’importance du trafic qu’elles supportent, sans prendre en compte des critères de nécessité de sécurité ou le fait qu’une infrastructure non performante augmente le report vers d’autres itinéraires et entretien la faiblesse du trafic.

        Certes, la focalisation des attentions de la société sur les métropoles et zones urbaines trouve sa justification à différents niveaux :

      • accueillant une population et des activités toujours plus nombreuses et qualifiées, elles sont logiquement vues comme les locomotives de la croissance économique nationale et de l’innovation, les autres territoires étant appelés à bénéficier indirectement des retombées de leur dynamisme ;

      • elles rencontrent désormais, quelle que soit leur taille, des défis toujours plus nombreux liés à leur croissance quantitative : logement, transports, foncier, sécurité, qualité de l’environnement et santé, cohésion sociale…

        Malgré ces prismes déformant la vision, la réalité finit par s’imposer : les zones hyper-rurales ne sont ni des déserts ou des paradis pouvant se passer de l’intervention publique, ni des territoires à faibles enjeux économiques, sociaux ou environnementaux.

        Comme les zones urbaines, elles connaissent notamment la précarité, tant du fait de la présence de populations fragiles installées et faiblement mobiles, que de l’arrivée de nouvelles populations, en quête de meilleures conditions de vie mais comptant aussi sur les politiques sociales et les mécanismes de redistribution publique. Or ceux-ci voient leurs moyens diminuer du fait de l’Etat, sans qu’au niveau local, les collectivités hyper-rurales aient une quelconque capacité à se substituer à lui.



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        19 Le rapport établi en 2010 par Laurent Davezies pour le compte de l’AdCF « la crise et nos territoires, premiers impacts » montre l’importance des bases résidentielles et de l’emploi public dans l’hyper-ruralité

        20 Voire annexe 4

        Les moyens localement mobilisables pour cette action collective, qu’elle soit publique et/ou privée, sont effectivement insuffisants : confrontées à la faible densité, les ressources fiscales des collectivités hyper-rurales sont proportionnellement parmi les plus faibles, ce que les mécanismes de péréquation assurés par l’Etat ne suffisent pas à corriger. De même, l’ingénierie territoriale21, publique et privée, dont disposent ces territoires est structurellement plus faible et plus isolée que celle des autres territoires.

        Dans la période actuelle, les territoires hyper-ruraux vivent en quelque sorte un triple abandon, synonyme de fracture territoriale : un abandon réel lié à la régression effective des mécanismes de solidarité, un sentiment d’abandon vécu par les population qui y résident, et une image d’abandon, perceptible par le visiteur de passage.

        Pourtant partie vivante de la République, ces territoires lui sont indispensables.


    2. L’hyper-ruralité : hinterland indispensable au succès des métropoles


      Les analyses les plus récentes et approfondies22 révèlent que le système territorial formé par les métropoles, les villes moyennes, les territoires ruraux et hyper-ruraux est plus équilibré qu’il n’y paraît : ainsi, chiffres à l’appui, le premier facteur déterminant le succès des métropoles ne serait pas lié à leurs caractéristiques propres… mais à la qualité et à l’attractivité de leur large « hinterland » rural et hyper-rural.

      En effet, dans une société « du temps libre » ou le temps de travail pèse de moins en moins, la majorité des résidents d’une aire urbaine (hormis une minorité privilégiée et ultra mobile) tire d’abord parti des espaces qui environne son lieu de vie, dont les territoires hyper-ruraux. Si un cadre supérieur, ingénieur ou chercheur contribuant au PIB national grâce à son activité métropolitaine, évite le burn-out en profitant régulièrement de ses vacances et week-ends dans l’hyper-ruralité voisine, comment ne pas considérer que celle-ci participe directement au résultat économique que l’on affecte comptablement à la métropole où se trouve son bureau ?

      Largement dotés en termes de patrimoine naturel, paysager, historique, culturel… de qualité et garants de leur pérennité pour le compte du pays voire du monde entier23, les territoires hyper-ruraux disposent d’un potentiel majeur en termes de ressourcement et d’aménités devenu indispensable à la vie citadine, donc à la réussite de la métropolisation elle-même.

      De nombreux travaux indiquent que ce potentiel, pour peu qu’il soit préservé et mis en valeur, peut déboucher sur une économie présentielle et touristique à la fois diffuse et redistributive (par opposition à une industrie touristique concentrée, pour laquelle les territoires littoraux, de montagne… sont plus avantagés), pouvant elle-même soutenir des services nécessaires à la population permanente de ces territoires, qui profite à son tour de l’attractivité du territoire.24

      Cette relation « gagnant-gagnant » entre habitants permanents et populations non permanentes ou de passage est d’autant plus importante en France que la plupart des patrimoines, produits


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      21 voir définition au chapitre 3.2

      22 « L’émergence des systèmes territoriaux productivo-résidentiels », L. DAVEZIES et M. TALANDIER, CGET, coll. Travaux n°19, éd. La Documentation Française (Juillet 2014)

      23 Dans le cas des éléments classés au titre du patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO

      24 En 2012, les recettes du tourisme international en France ont atteint 41,7 milliards d'euros, contre 30,4 milliards de dépenses, ce qui représente un solde excédentaire de 11,3 milliards d'euros. Soit bien plus que l'agroalimentaire (7,5 milliards), l'automobile ayant enregistré un solde négatif de 3,8 milliards…

      d’une histoire, ne peuvent être durablement préservés qu’en y associant les mode de gestion, activités traditionnelles (agricoles, pastorales, artisanales…) et savoir-faire qui les conservent. Or, ceux-ci sont tributaires de la présence humaine permanente dans le territoire : les paysages agricoles et naturels, le bâti historique, la culture ou la gastronomie française… ne peuvent exister sans ceux qui les font réellement vivre, sur place et à l’année.

      Outre ces dimensions touristique, patrimoniale et récréative, la complémentarité des territoires hyper-ruraux avec les autres territoires s’affirme également dans la gestion et la valorisation des ressources naturelles et productives dont ils disposent avec un réel avantage : espace, eau, énergie, sol et sous-sol, patrimoine biologique, biomasse, productions agricoles et forestières (quantitatives ou de niche) en abondance constituent, a fortiori dans la perspective de la transition écologique et énergétique, des potentialités pouvant être mises au service de l’économie locale et plus largement de l’ensemble des territoires.

      L’optimisation de l’usage de ces ressources, renouvelables ou non, suppose de s’appuyer sur une vision stratégique de développement territorial qui soit pensée de façon systémique, dans cet esprit « gagnant – gagnant ». La plupart des grandes entreprises (acteurs de l’eau, de l’énergie, de l’agroalimentaire, des déchets…) ont aujourd’hui conscience de ces ressources de l’hyper-ruralité et y développent des stratégies de valorisation conformes à leurs intérêts, avec des retombées plus ou moins profitables au niveau local.

      De même, il importe que les acteurs publics locaux développent également une approche stratégique du développement, afin que l’hyper-ruralité soit actrice et non spectatrice de la valorisation de ses atouts.


    3. Malgré les handicaps, des territoires d’avenir et d’équilibre face à la congestion urbaine


      Ce « mariage de raison », qui devra tôt ou tard être conclu entre territoires urbains périurbains… et hyper-ruraux, semble d’autant plus urgent à reconnaître que les chiffres révèlent un frémissement porteur d’une espérance à ne pas contredire.

      En matière d’économie présentielle, la contribution produite pour la mission par l’économiste Laurent Davezies, à partir d’un échantillon des communes parmi les plus hyper-rurales25, démontre par exemple, depuis une dizaine d’années à peine et malgré la crise, un léger rebond en matière de démographie (nouvelles installations), d’augmentation de revenus et de création d’emplois, notamment dans les professions libérales : grâce aux nouveaux modes de travail, beaucoup de professionnels qualifiés et non salariés sont aujourd’hui susceptibles d’associer une vie hyper-rurale de qualité et un travail à distance, grâce à des relations régulières avec des partenaires extérieurs au territoire. Exigeantes en termes de services et de cadre de vie, ces nouvelles populations accentuent le brassage, stimulent la vie locale avec le développement d’activités connexes et encouragent la préservation et de la mise en valeur des patrimoines qui profitent aussi directement à l’économie touristique.

      Si le nombre de ces installations est encore faible dans l’absolu, il est significatif vue la démographie de l’hyper-ruralité. Il démontre un réel potentiel, pour peu que les freins majeurs à l’attractivité résidentielle et professionnelle de ces territoires (santé, désenclavement numérique et transports) soit enfin levés.



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      25 Voire annexe 3

      Plus largement, l’évolution des besoins en services pour toutes les générations, qui ne sera pas prise en charge par l’action publique traditionnelle, laisse envisager le développement de nouveaux métiers pouvant convenir à des populations implantées, plus ou moins qualifiées.

      En parallèle, on constate que les territoires hyper-ruraux accueillent des initiatives intéressantes dans le domaine industriel : bénéficiant d’un foncier bon marché, d’une main d’œuvre ouvrière plutôt qualifiée et fidèle (parce que majoritairement propriétaire de son logement et se trouvant dans un bassin d’emploi limité), de relations privilégiées avec le nombre restreint des acteurs publics et privés locaux, ils tirent souvent partis de créneaux de niche très spécialisés, parfois à haute valeur ajoutée. Ainsi, en Creuse, une entreprise spécialisée dans la fabrication de giroscopes haute-technologie équipe t-elle les sondes spatiales américaines envoyées hors du système solaire, et des entreprises du Livradois ont su reconvertir des savoir en matière de tissage dans la fabrication de fibres optiques…

      Ces initiatives sont souvent isolées et nées d’individus volontaristes. Elles bénéficient rarement d’un accompagnement à la hauteur de leur intérêt (beaucoup ont d’ailleurs échoué, parfois de peu, faute d’accompagnement adapté). Par ailleurs, elles aussi sont généralement tributaires de la qualité de certains services de base, notamment de la qualité de la desserte numérique. Lorsqu’elles ont pu être fédérées ou soutenues (comme le pôle imagerie numérique dans le Gers ou le pôle domotique en Creuse), leur potentiel se révèle et permet la création d’une dynamique d’investissement autour d’eux, qui profite au territoire.

      Enfin, confrontés à la nécessité de dépasser l’écueil de leurs faibles ressources et ayant conservé une culture de réseaux de solidarité et de proximité généralement active, (notamment dans les relations inter-générations), les territoires hyper-ruraux peuvent être porteurs de nouvelles formes d’activités, voire de nouveaux modèles économiques et sociaux, plus centrés sur l’humain et créateurs d’emplois non délocalisables.

      Ces différents types d’économies cohabitent désormais dans des proportions variables, et peuvent fonder le point d’appui de stratégies de développement équilibrées et solides.

      Plus largement, le développement des territoires est autant affaire d’images et de représentations que de critères factuels, même s’il est préférable que les deux coïncident.

      La qualité de la vie et les liens sociaux, le sentiment d’appartenance, la sécurité au sens large (la sécurité des personnes et des biens mais aussi la garantie d’un logement sur le long terme, qui devient impossible pour les citadins modestes) vont jouer un rôle croissant et continu au profit de l’hyper-ruralité.

      Les territoires hyper-ruraux offrent des lieux de caractère et authentiques, avec des dynamiques en devenir. S’ils ne renvoient plus le signal négatif de « territoires qui se meurent », ils sauront attirer, dès lors que des conditions fondamentales d’accueil, de services, de préservation du cadre de vie et de valorisation des patrimoines seront assurées pour permettre de créer des dynamiques auto-entretrenues.

      Bien sûr cela ne se produira à une échelle intéressante, permettant d’équilibrer les problématiques de concentration urbaine, qu’au terme de quelques années de renversement de tendance, mais l’hyper-ruralité porte bien une partie de la solution aux problèmes urbains.


    4. Des territoires capables d’initiatives mais lourdement entravés


      Partie du système territorial avec les territoires ruraux et urbains, les territoires hyper-ruraux revendiquent pour autant une dynamique et une intelligence propres, ainsi qu’un droit à la parole issue de leurs forces vives : acteurs économiques ou associatifs, élus, techniciens, citoyens… qui ne souhaitent pas que leur présent et leur avenir soit systématiquement pensé et arbitré en dehors de leur territoire.

      Face à cette revendication, la réponse qui leur est alors souvent opposée repose sur la liberté désormais laissée aux collectivités locales de « prendre leur avenir en main » en développant un ou des « projets de territoire ». Leur élaboration conduit généralement à associer les différents acteurs locaux, et se traduit dans des documents de planification ou de programmation (SCoT, chartes de pays ou de parcs naturels, stratégies LEADER26…).

      Appuyée sur les principes de la décentralisation, cette réponse de principe donnée aux territoires hyper-ruraux est insuffisante car elle ignore les conditions dans lesquelles peut ou non s’élaborer un projet de territoire pertinent et opérant. La plupart du temps, les moyens techniques, financiers et humains pour la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre, l’expertise… sont structurellement faibles dans l’hyper-ruralité et n’offrent pas les capacités et les marges de manœuvre dont disposent les autres territoires.

      L’effort se concentre alors sur une minorité : peu nombreuses, les forces vives de l’hyper- ruralité sont sur-sollicitées et contraintes de développer, par la pratique et l’astuce, des savoir- faire et expertises auxquelles ils n’ont pas accès par ailleurs, du fait du manque de moyens, de la distance ou de l’isolement. Souvent faute de reconnaissance, de dispositif d’observation ou de capitalisation, bon nombre d’innovations, savoir-faire et bonnes pratiques qu’ils développent restent méconnus, alors qu’ils pourraient être profitables à d’autres.

      Cet investissement et cette prise d’initiative, aussi enrichissants soient-ils pour ceux qui s’y engagent, s’avèrent coûteux pour eux, d’autant plus quand ils sont alourdis par un ensemble de cadres, processus et règles conçus pour d’autres situations que la leur. La revendication de pouvoir bénéficier « d’intelligence du territoire » en matière de stabilisation et d’adaptation de règles ou de normes est forte et particulièrement légitime dans ces territoires, y compris par ceux qui finissent par maîtriser leur sujet, pour un coût inutilement élevé.

      Enfin, comme en témoigne l’expérience, l’hyper-ruralité ne peut s’en sortir que dans la mobilisation de mécanismes de solidarité interne à tous les niveaux : entre acteurs locaux de tous bords et de tous horizons (relations public – privé, Etat – collectivités, décideurs et grand public…) mais aussi entre territoires de l’hyper-ruralité proche ou lointaine.

      Faiblement représentée dans les instances de consultation ou de décision aux échelons régionaux ou nationaux, peut-être davantage à l’avenir, l’hyper-ruralité gagnera à faire entendre une voix unie, appuyée sur le partage de ses expériences, qu’elles aient échoué ou réussi.



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      26 dispositif européen financé par le fonds FEADER. Voir annexe 7

  1. Une action publique inadaptée à l’hyper-ruralité


    Objet d’un pilotage croissant par les indicateurs chiffrés, de moins en moins intégrée et de plus en plus sectorielle, de plus en plus complexe et instable, l’action de l’Etat s’avère globalement inadaptée aux enjeux de l’hyper-ruralité.


    1. Une décentralisation qui a continûment bénéficié aux capitales régionales et aux grandes villes, en creusant les inégalités


      Engagée il y a plus de 30 ans dans un pays unitaire aux traditions jacobines, la décentralisation a pris en France le visage qu’on lui connaît aujourd’hui : prenant leur autonomie, bénéficiant du principe de libre administration27 et de la close de compétence générale, les collectivités territoriales se sont développées en reproduisant à leur échelle le modèle globalisant et centralisateur de l’Etat. Ce faisant, elles ont renforcé le pouvoir et les atouts des métropoles, capitales régionales et grandes villes, au détriment du reste du territoire.

      Dans cette nouvelle gouvernance qui confie l’initiative aux collectivités territoriales, l’Etat a trouvé motif à ne plus exprimer, ni même concevoir, de pensée renouvelée en matière d’aménagement des territoires. Ce faisant, il a accompagné l’installation de rapports de force entre collectivités se révélant presque toujours favorables aux territoires urbains et préjudiciables aux territoires hyper-ruraux. En l’absence de vision stratégique à défendre, peut-être a-t-il aussi trouvé plus confortable de ne traiter préférentiellement qu’avec un nombre limité d’interlocuteurs de poids…

      Parallèlement, la montée en compétence des conseils généraux, pourtant porteurs d’une parole sur la ruralité, a montré ses limites dans la lutte contre le creusement des inégalités territoriales. Hormis quelques réussites ponctuelles, ceux-ci ont largement échoué dans leur défense de l’hyper-ruralité.

      Quelle que soit l’issue des réformes structurelles en cours, deux dimensions semblent devoir persister :

      • Sur le fond, la décentralisation, répartie entre les différents échelons de collectivités et couplée au principe constitutionnel de libre administration, a conduit, contrairement aux Etats fédéraux, à trop souvent mettre en concurrence les collectivités et les territoires entre eux, parfois avec la complicité même de l’Etat, au lieu de les rendre complémentaires.28 Cette tendance nuit gravement aux territoires hyper-ruraux, qui sont parmi les plus faibles, de même qu’elle affaiblit le territoire national dans son ensemble.

      • En l’absence de tutelles entre échelons de collectivités, l’Etat reste, malgré ses limites, le seul acteur garant de neutralité et de continuité dans l’action territoriale. Son intervention reste dès lors nécessaire pour assurer l’égalité mais aussi la complémentarité des territoires, en dehors du seul rapport de force : la raison du plus fort n’est pas nécessairement la meilleure…


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        27 article 72 de la Constitution

        28 voir à ce sujet introduction au rapport « Vers l’égalité des territoires », coordonné Eloi Laurent pour la Ministre de l’égalité des territoires (2013)


    2. Un florilège de dispositifs d’aide, insuffisamment ciblés ou inefficaces


      Afin de tenir compte des autres travaux en cours sur le sujet, le présent rapport n’examine pas le détail des dispositifs existants et s’en tient aux constats généraux.

      Faute de reconnaissance de l’hyper-ruralité à ce jour, aucun dispositif spécifique n’existe en sa faveur. Elle bénéficie en revanche de la plupart des outils conçus pour accompagner les territoires ruraux au sens large.

      Instrument fiscal et financier complexe, devenu nébuleux et inégalement efficace, le dispositif des zones de revitalisation rurales (ZRR) est en cours de réexamen, tant sur le plan du zonage de référence que du contenu du dispositif lui-même29. Un resserrement du zonage couplé à une clarification du dispositif autour des seules mesures jugées efficientes apparaît a minima nécessaire.

      Concernant les dotations aux collectivités territoriales, les trois fractions de la dotation de solidarité rurale (DSR) - qui représente 954,45M€ en 2014 – ne permettent plus d’identifier clairement ses objectifs d’origine, qui consistent à tenir compte des charges que supportent les communes rurales pour maintenir un niveau de services suffisant, malgré des ressources fiscales insuffisantes. Par ailleurs, les modalités de calculs sont devenues, au fil du temps, d’une complexité très hermétique à la grande majorité des élus des territoires ruraux et ne prennent pas en compte les spécificités de l’hyper-ruralité.

      Essentiellement vouée à l’investissement, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) représente également une ressource conséquente, de près de 600 M€ par an (615,7M€ en 2014). Susceptible d’être affectée, tant aux initiatives d’acteurs privés que publics, sa gestion est déconcentrée et confiée au Préfet de département assisté de la commission consultative des élus pour la DETR qui est chargée de déterminer les catégories d’opérations prioritaires, sur la base de critères relativement souples (une simple note d’information annuelle liste les types d’opérations éligibles). Malheureusement, faute de projets innovants mais aussi de volonté politique de la part d’élus sur-représentés, la DETR sert trop souvent à répartir une manne pour financer d’ordinaires aménagements d’espaces publics. Elle perd ainsi une large part de son effet levier pour le développement local.

      Géré de façon centralisée et d’un montant très inférieur, le fonds national d’aménagement du territoire (FNADT) se voit quant à lui essentiellement contributeur des CPER (110M€) de la prime d’aménagement du territoire (PAT) réservée aux entreprises, la part restante étant essentiellement mobilisé pour le financement de dispositifs nationaux (pôles d’excellence rurale, pôles de compétitivité, revitalisation des centre-bourgs… ) pour 62,5M€. Désormais, à peine 3M€ restent libres d’emploi pour toute la France ! De ce fait, ce fonds est aujourd’hui gagé d’avance sur quelques projets structurants à l’échelle régionale et ne joue plus aucun rôle au service des initiatives locales de l’hyper-ruralité.

      Enfin, les pôles d’excellence ruraux (PER) n’ont pas tenu leurs promesses. Insuffisamment évalués et accompagnés en phase de conception, leur sélection a pu s’avérer hasardeuse ou tributaire de volontés politiques locales auxquelles l’Etat n’a pas toujours su se soustraire.


      29 rapport d’étape du 25 février 2014 de la mission d’information sur les ZRR de MM. Calmette et Vigier, députés (Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale) et mission interministérielle sur les ZRR confiée le 18 février 2014 à l’IGA, l’IGAS, le CGAAER et le CGEDD

      Finalement, peu d’entre eux ont eu un réel effet levier en matière de développement local. Comme souvent en France, les projets, établis uniquement sur une logique d’investissement, se sont révélés insuffisamment travaillés dans leur modèle économique global (en respectant ainsi le vieil adage « l’investissement fait l’électeur, le fonctionnement fait le contribuable… »)

      Les aides publiques accessibles au développement des territoires hyper-ruraux souffrent finalement de différentes faiblesses :

      • la logique dominante reste très descendante, centrée sur les moyens et non sur les résultats. Beaucoup d’énergie est mise par l’Etat dans la conception rigide et a priori des dispositifs d’aide, trop peu dans l’analyse et l’accompagnement des projets, pratiquement aucune dans l’évaluation en cours et a posteriori, alors que celle-ci permettrait d’évidence un retour d’expérience profitable à l’évolution des dispositifs vers plus d’efficacité ;

      • la réticence pour les autorités à accompagner la réflexion des porteurs de projets (au nom du fait de ne pas être « juge et partie », au détriment de la recherche de résultat), ainsi que la réticence à financer une part de fonctionnement pourtant nécessaire à l’animation et à l’ingénierie des projets, affecte la qualité de ces derniers, donc leur capacité à valoriser efficacement les moyens attribués,

      • la nécessité d’annonces politiques régulières en faveur de tel ou tel type de projet ou de territoire, de plus en plus souvent sous la forme d’appels à projets ponctuels (comme lors des comités interministériels à l’aménagement du territoire), conduit à voir se succéder les dispositifs dans un domaine où la continuité de l’action publique à long terme devrait primer ;

      • en copiant souvent l’Etat dans de telles approches, les collectivités régionales et départementales n’offrent que rarement des dispositifs complémentaires capables de soutenir à long terme le développement des initiatives rencontrées dans les territoires hyper-ruraux.


    3. Des politiques sectorielles de l’Etat plus suivistes que pro- actives, pénalisant trop souvent l’hyper-ruralité


      Avec l’affaiblissement de la vision stratégique de l’Etat en matière d’aménagement des territoires, l’essor du droit européen et la structuration de plus en plus verticale des ministères, les politiques de l’Etat se révèlent finalement, malgré les attentes du terrain, de plus en plus sectorielles et normatives, dès lors peu porteuses d’une vision territoriale intégrée.

      Qu’il s’agisse d’enseignement supérieur, de recherche, de santé, d’infrastructures… les lois de programmation successives n’abordent que très rarement la problématique des territoires hyper-ruraux. S’appuyant sur des critères simples, voire simplistes, autour d’idées de

      « rentabilité » ou « d’efficacité », elles accompagnent les dynamiques de concentration métropolitaine sans déterminer la part devant nécessairement relever d’une politique volontariste d’égalité entre territoires.

      A ce jeu, les territoires hyper-ruraux sont par exemple systématiquement privés d’implantations en matière d’enseignement supérieur ou de recherche, sans que ce systématisme soit justifié.

      Véritables bras armés de l’Etat, les entreprises et établissements publics sous la tutelle de ses ministères ou dans lesquels il joue un rôle déterminant (RFF, SNCF, Air France…) pourraient

      directement contribuer à une politique d’égalité des territoires atténuant les handicaps des territoires hyper-ruraux (politique tarifaire, politique d’investissement…). Malheureusement, l’« intelligence territoriale » semble absente de l’exercice des mandats de l’Etat dans ces structures. Ainsi, Paris – Rodez ou Paris – Le Puy-en-Velay sont souvent plus chers que Paris

      – Berlin…

      Il en est de même lorsque l’Etat agit en donneur d’ordre, dans le cadre de concessions, partenariats public - privé ou encore de ses achats publics, alors qu’à travers l’ensemble de ces actes, il pourrait, à moindre frais et sans inconvénient, orienter l’action de l’ensemble des acteurs économiques de manière favorable, directement ou indirectement, à l’hyper-ruralité et à l’égalité des territoires.

      Il semble finalement que la disparition de l’idée même d’une vision stratégique de l’Etat en matière d’aménagement du territoire à l’échelle nationale aie privé la plupart de ses composantes de toute initiative pertinente en matière territoriale.

      L’inadaptation à l’hyper-ruralité des politiques d’aménagement, de logement et d’urbanisme, décentralisées mais encore l’objet d’une forte responsabilité de l’Etat, est particulièrement problématique.

      Cette inadaptation produit des effets redoutables sur les rares petites villes (de 5 000 à 20 000 habitant le plus souvent) mais aussi sur les bourgs centres.

      Ainsi, ces deux niveaux de centralité voient-ils, pour le premier, son rôle moteur compromis par l’absence de soutien aux indispensables projets structurants dans les domaines économiques, sociaux, culturels ou sportifs, pour le second, le risque de voir disparaître son rôle d’animateur de l’hyper-ruralité en matière de vie collective, d’habitat, de commerces et services de proximité.

      Les centres bourgs se trouvent en particulier confrontés à un phénomène de forte déprise, du fait de l’insuffisance d’outils adaptés pour permettre, dans un contexte de faible pression, le recyclage du foncier, l’incitation à la rénovation de l’habitat et la densification du tissu commercial. Même quand elles bénéficient d’une démographie positive, de nombreuses communes hyper-rurales voient leurs commerces quitter la place centrale, leur couronne pavillonnaire grandir, ronds points et trottoirs se multiplier… autour d’un cœur de bourg en déshérence, fait de maisons délabrées ou de devantures closes.


    4. Des réformes de l’organisation territoriale de l’Etat à rebours de l’efficacité, jusqu’à mettre en danger le signal républicain


      Fondées sur un objectif de rationalisation des moyens d’intervention territoriale de l’Etat, la révision générale des politiques publique (RGPP) et la réforme de l’administration territoriale de l’Etat (RéATE), auxquelles s’est aujourd'hui substituée la modernisation de l’action publique (MAP), ont engagé avec une ampleur sans précédent le chantier de la réorganisation des administrations d’Etat dans les territoires.

      Le niveau départemental a été regroupé sous la forme de deux à trois directions départementales interministérielles (DDT, DDCS/PP) auprès du préfet de département, tandis que le niveau régional s’est vu regroupé en huit directions auprès des préfets de région et de département (selon les compétences exercées), en relais des politiques des ministères dont elles dépendent.

      Ces réorganisations ont été analysées à travers de nombreux rapports et évaluations30, notamment dans le cadre des audits de la MAP. Combinées à la mise en application de la LOLF et à la réduction des moyens, elles ont eu des conséquences majeures pour l’action et la présence de l’Etat dans les territoires hyper-ruraux.

      Ne disposant plus de lien direct avec leurs ministères d’origine et dès lors considérées par ces derniers comme n’étant plus leur « bras armé », les DDI ont subi de plein fouet les contraintes de réduction mécanistes des effectifs et des crédits d’intervention, au profit d’un renforcement relatif de l’échelon régional, désormais priorisé par les ministères de tutelle et disposant de l’autorité de gestion déconcentrée sur la majorité des moyens. Si des liens fonctionnels se sont maintenus ou reconstitués avec le temps entre ces services, des hiatus persistent et la distance entre l’administration et les territoires, notamment les plus périphériques, s’est accrue.

      Ce déficit du niveau départemental est accentué dans l’hyper-ruralité, avec la réduction abusivement « proportionnelle » des effectifs. Désormais, la DDT de la Creuse, constituée d’à peine une centaine d’agents et devant développer de nouvelles missions de conseil aux territoires, ne dispose plus, hors ministère de l’agriculture, que de quatre cadres de catégorie A, soit une masse critique de compétence trop faible pour exercer les missions expertes et entretenir une ressource propre.

      Cette ressource de compétences pourrait être vue de façon plus ouverte au sein du territoire, entre fonctions publiques. Or, du fait des concurrences de moyens ministériels, des cloisonnements absurdes sont maintenus au sein même des DDI, les possibilités offertes aux fonctionnaires de cumuler plusieurs emplois à temps partiel dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) ne sont ni promues, ni favorisées, et, en l’absence de véritable gestion des ressources humaines, les passerelles, les perspectives et l’accompagnement sont inexistants. S’y ajoutent les incertitudes sur les missions et les tensions croissantes sur les charges de travail, qui constituent autant de freins à la mobilité, donc aux possibilités de renouvellement de compétences in situ. Ainsi, la perte d’un agent qualifié dans l’hyper-ruralité par une réorganisation subie ne pourra généralement pas être restaurée à coût équivalent.

      Le déficit d’attractivité résidentielle de ces territoires joue aussi pleinement au sein de l’Etat employeur : des postes vacants de ces territoires sont régulièrement non pourvus et, dès lors, progressivement supprimés dans le cadre du reformatage des effectifs.

      Ce phénomène est aggravé par la dépréciation à tous niveaux des affectations dans ces territoires : Préfets, cadres ou secrétaires, les postes y sont moins cotés et reconnus, les primes moins élevées, sans aucun lien avec le besoin de compétence ou l’exercice réel de la responsabilité. Pour quel motif les fonctions exercées par un responsable public dans l’hyper- ruralité seraient elles moins nobles ou moins stratégiques que dans un territoire métropolitain ? La mission doit pourtant s’exercer sur un spectre large, avec des moyens réduits. Les territoires hyper-ruraux voient leurs meilleurs fonctionnaires rapidement partir pour de meilleurs cieux, se voyant contraint de plutôt accueillir « le début ou le rebus ».

      On pourrait objecter que l’exercice des missions de l’Etat ne relève pas que de l’échelon local et pourrait dépendre d’une organisation d’ensemble capable de mobiliser les compétences au service de l’hyper-ruralité, sans lien avec leur implantation géographique. La réalité montre que cet optimum est loin d’être atteint, voire s’éloigne.


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      30 voir notamment le rapport au Premier Ministre de Jean-Pierre Weiss et Jean-Marc Rebière sur « la stratégie d’organisation à 5 ans de l’administration territoriale de l’Etat » (2013), le rapport conjoint IGA-IGF-IGAS sur le « Bilan de la RGPP et conditions de réussite d’une nouvelle politique de réforme de l’Etat » (2012) et l’audit du CGEDD sur la « Qualité du dire de l’Etat aux regard des enjeux du Grenelle dans les domaines de la planification spatiale, du logement et des transports » (2013)

      Paradoxalement, la réorganisation territoriale des services de l’Etat, en concentrant les compétences et l’ingénierie dans les directions régionales, les administrations centrales et les établissements publics sans cesse regroupés ou mutualisés, a conduit à localiser ces moyens à contresens des lieux ou peut se concrétiser l’essentiel de leur valeur ajoutée : les métropoles et territoires de collectivités dotées en ingénierie attendent finalement peu de l’Etat en matière de développement territorial, tandis que les territoires hyper-ruraux, continuent de nécessiter un fort besoin d’appui de l’Etat. Même dans le cas de services à compétence régionale ou nationale, il est constaté que l’implication se concentre surtout au service du territoire d’implantation31.

      L’idée répandue de renvoyer aux collectivités, du fait de la décentralisation, la responsabilité d’organiser elles-mêmes, y compris dans les territoires hyper-ruraux, l’ingénierie que l’Etat n’envisage plus de leur fournir, ne répond que très partiellement à la question. En effet :

      • l’ingénierie d’aujourd’hui ne se limite pas à l’ingénierie technique mais recouvre plus largement une ingénierie administrative, financière, réglementaire, de processus… dans laquelle l’Etat, au moins autant que les autres acteurs, est incontournable ;

      • la constitution souhaitable d’une ingénierie de maîtrise d’ouvrage ou d’accompagnement par les collectivités hyper-rurales elles-mêmes nécessite des ressources dont elles ne disposent pas. Elles se voient même parfois privés de la possibilité de s’en doter librement, comme par exemple la ville de Mende, pourtant préfecture de département, qui se voit contrainte dans le recrutement de son directeur général des services par le seuil de population communale (moins de 40 000 hab.) ;

      • bien que potentiellement valable dans plusieurs domaines techniques, l’offre d’ingénierie que certains conseils généraux envisagent est, dans tous les cas, remise en cause par la réforme territoriale. Elle pose aussi des questions de gouvernance : quelle participation des collectivités bénéficiaires à la gestion de cet outil ?

      • dans le domaine concurrentiel, le renvoi à l’ingénierie privée, certes théoriquement possible, se heurte à la fois au problème des coûts (d’autant plus mal maîtrisés dans l’hyper-ruralités que les maîtrises d’ouvrages sont faiblement outillées) et aux rapports de force défavorables aux clients, du fait de la seule loi du marché. Malgré les besoins de l’hyper-ruralité, beaucoup d’appels d’offres en matière d’étude ou de maîtrise d’œuvre sont infructueux ou conduisent à des attributions par défaut, faute d’une offre suffisante. Par la suite, étant petits clients, les maîtres d’ouvrage publics ou privés de l’hyper-ruralité subissent les surcoûts des déplacements d’experts etla priorité donnée aux commandes des grands donneurs d’ordre. Des rallongements de délais ou des baisses de qualité en découlent. Le recours à l’assistance à maîtrise d’ouvrage est trop peu fréquent ;

      • garant de l’application de règles de droit de plus en plus appréciatives, sur lesquelles il ne peut donc se prononcer qu’au vu d’un résultat, l’Etat trouverait objectivement intérêt, au nom du rapport coût/efficacité, à ré-exercer dès l’amont une influence positive dans la conception des projets, plutôt que d’investir ses moyens dans la critique a posteriori. Mais confondant cette approche avec le fait d’être juge et partie, il n’ose plus le faire. Or, la critique a posteriori, inefficace, achève de rompre le lien de confiance qui pouvait exister entre l’hyper-ruralité et son administration. Le cas de l’élaboration des plans locaux d’urbanisme (PLU) en constitue un exemple typique.

        A tous niveaux, la réorganisation de l’Etat dans les territoires frappe donc plus lourdement les territoires hyper-ruraux que les autres, avec des conséquences plus graves.


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        31 voir audit du CGEDD sur la « Qualité du dire de l’Etat aux regard des enjeux du Grenelle dans les domaines de la planification spatiale, du logement et des transports » (2013)


    5. Des normes et règles nombreuses et toujours plus exigeantes appliquées uniformément à tous les territoires


      Les projets ou initiatives développés dans les territoires hyper-ruraux sont régulièrement entravés par des critères normatifs ou réglementaires inadaptés à leur situation. Il en va ainsi par exemples de certains critères en matière d’hôtellerie et d’aménagement touristiques, de licences d’ouverture de pharmacies, de règles en matière de rénovation de l’habitat, de l’industrie… sans que l’uniformisation que défendent les services en charge de les appliquer soit toujours justifiable. La rigidité relève pour une part de la rédaction des textes mais elle tient aussi, pour une autre part, aux interprétations locales ou nationales de ces textes, doctrines administratives pourtant révisables, non créatrices de droit et parfois contredites par d’autres dispositions issues de références supérieures ou de la jurisprudence.

      Exemples…

      Un ophtalmologue d’un département hyper-rural a l’opportunité d’employer un opticien qui pourrait prendre en charge des consultations mobiles, au plus proches des patients, grâce à l’aménagement d’un bus de dépistage. Or la sécurité sociale, en application des règles en vigueur, oppose à l’ophtalmologue l’invalidité du contrat de travail de l’opticien. Seul un orthoptiste peut être salarié par un cabinet d’ophtalmologie. Bilan : Il est très difficile voir quasiment impossible de recruter un orthoptiste en milieu hyper-rural ; les patients les plus fragiles et souvent les plus âgés n’ont pas les moyens de se déplacer au cabinet d’ophtalmologie ; une détection tardive des maladies les plus graves ; des difficultés d’accès aux soins qui se creusent.

      Le département de Lozère a fait l’objet d’une expérimentation de caisse commune de sécurité sociale. Ce modèle d’organisation à trois branches de la sécurité sociale a fait ses preuves. Après cinq ans d’expérimentation, un bilan positif à été établi, montrant l’efficience de ce modèle de mutualisation en milieu hyper-rural. Or, aujourd’hui, le gouvernement se heurte à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui refuse le droit à la différence et demande l’application de la convention d’objectifs 2010-2013 qui prévoit la régionalisation des URSSAF.

      Il est louable que les collectivités de tous les territoires, y compris dans l’hyper-ruralité, puissent se doter de documents d’urbanisme (ScoT, PLU…) de qualité, utiles à leur développement et répondant aux objectifs de développement durable portés par les textes. Cependant, l’alourdissement constant des procédures, du fait de textes évoluant en continu, conduit à la nécessité d’investir dans des prestations proportionnellement bien plus coûteuses pour les territoires hyper-ruraux que dans les territoires urbains, sans que les dotations de l’Etat comme la DGD32 ne corrigent ces effets.

      Même dans un domaine aussi sensible que la sécurité aérienne, faut-il concrètement qu’un petit aéroport de province soit soumis aux mêmes obligations de fréquence de contrôle et d’audit que les aéroports internationaux d’Orly et Roissy ? N’y a-t-il pas là inégalité du simple fait des coûts de procédure, d’homologation…?

      Il convient de tenir compte des spécificités des situations territoriales où ont vocation à s’appliquer les normes et textes réglementaires, grâce à une approche « d’interprétation positive » des textes, bienveillante mais non complaisante. Cette approche devrait être



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      32 Dotation générale de décentralisation

      favorable à l’initiative et surtout encourager les « bons élèves ». Il arrive d’ailleurs dans de nombreux cas que les agents des services locaux de l’Etat, confrontés aux situations concrètes, soient spontanément disposés à assumer ce type d’interprétation. Cependant, trop souvent, ils sont alors contraints par les consignes, doctrines et circulaires. Moyennant des cadres et dispositifs d’évaluation suffisants, ainsi que des contrôles nécessaires, il conviendrait de pouvoir réellement employer au niveau local, avec discernement, les marges d’appréciation que permettent les textes, dans l’esprit du législateur.

      Or, ce discernement suppose de connaître le territoire, donc de le vivre, ce qui renvoie à l’enjeu de présence de services locaux disposant des compétences nécessaires et de missions les incitant à comprendre le territoire, plutôt que de l’ignorer. Les sous-préfets, désormais placés en acteurs de la nouvelle « ingénierie territoriale de l’Etat », incarnent cette implantation indispensable dans le territoire, qui doit être accompagnée de l’entretien et de la valorisation d’une culture territoriale de tous les services, quelles que soient les missions exercées. Or, pour les raisons qui précèdent, celle-ci est aujourd’hui battue en brêche, et les mêmes sous-préfets d’évoquer parfois leur difficulté à faire entendre à certains représentants de services départementaux ou régionaux la réalité des enjeux in situ et la nécessité de chercher, ensemble, des solutions satisfaisantes.

      En attendant, les effets de la situation actuelle sont mesurables : certains projets pourtant intéressants sont abandonnés, ou déformés pour pouvoir répondre en priorité aux attendus des règles et non à l’objectif initial, d’autres sont ralentis ou absorbent in fine une énergie colossale pour qu’ils puissent aboutir. D’autres, enfin, aboutissent dans des conditions inappropriées, porteuses d’une fragilité juridique préoccupante. Dans la plupart des cas, ils laissent des traces dans le vécu des acteurs locaux, frustrés d’être confrontés à des obstacles qu’ils n’estiment pas obligatoires ou justifiés, quand bien même aurait existé un réel problème sur le fond ou dans la démarche.

      La plupart des difficultés de mise en œuvre de projets publics ou privés, face aux règles et normes inadaptées à l’hyper-ruralité, renvoient en réalité au déficit de compétences locales.

      Par exemple, dans le cas des règlementations environnementales, beaucoup de difficultés techniques ou juridiques rencontrées par les projets d’aménagement, d’urbanisme, d’installations industrielles… tiennent avant tout aux insuffisantes appréhensions des enjeux et maîtrise des réglementations spécifiques, tant de la part des porteurs de projet, que de leurs prestataires et des administrations de l’Etat ou des collectivités concernées. Il en résulte des erreurs dans la gestion de projet, tels que des manques d’anticipation, de fausses économies ou des risques accrus avec, à la clé, des retards, des surcoûts, des contestations voire des abandons.

      La culture de la norme sans pondérer le produit des indicateurs pénalise l’hyper-ruralité jusque dans les choix techniques. Ainsi, par exemple, le ministère chargé des transports, maître d’ouvrage pour les routes nationales, applique à tous les territoires et tous les trafics des gabarits devenus inadaptés aux faibles trafics des routes hyper-rurales. Devant le coût inabordable d’une mise à 2x2 voies à 10 M€/km en plaine (et bien plus en montagne), peut- être vaut-il mieux développer, des aménagements « low cost », deux à cinq fois moins chers, adaptés aux principaux besoins de l’hyper-ruralité mais ayant pour autant plus de chance de se voir réalisés. Ainsi, une 3 voies « moderne » peut ne coûter que 2 M€/km...

      Plus grave encore, le soutien à l’initiative est lui-même parfois conçu dans une stricte logique de moyens. Ainsi un appel à projet lancé récemment par le ministère du redressement productif en matière de création de pôles multimodaux disposait-il de seuil financiers de projets élevés (plus de 5 M€) réservant aux seuls projets coûteux, donc aux métropoles, la dotation. A l’inverse, des projets modestes mais volontaristes, comme à Mende, voyaient le

      jour, sans trouver aucun soutien. Largement cités par les services de l’Etat comme enjeux de développement durable à prendre en compte lors de l’élaboration de tout document de planification, l’intermodalité et les transports écologiques relèvent pourtant d’un domaine où l’initiative en milieu rural, particulièrement courageuse, devrait au contraire être saluée.

      Malgré leurs efforts, réorganisées en perdant des moyens et des compétences in situ, placées dans l’impossibilité de prioriser parmi les multiples injonctions sectorielles dont elles sont l’objet de la part des ministères, ayant pour consigne d’accompagner sans cependant « faire à la place de », tout en étant chargées de contrôler l’atteinte de résultats complexes sans grille prête à l’emploi, les administrations de l’hyper-ruralité perdent en connaissance fine du territoire, en capacité relationnelle et en influence sur la mise en œuvre des politiques publiques.


    6. : Santé, Internet et téléphonie : 3 fondamentaux d’avenir pour l’hyper-ruralité, maltraités par l’action publique


      L’accès à des soins et services de santé de qualité fait partie des impératifs d’égalité et de sécurité d’un Etat moderne comme la France. Historiquement dotée d’un des systèmes de santé les plus enviés au monde, elle n’a pas su, dans les dernières décennies, traiter correctement le cas des territoires hyper-ruraux, dont la faible densité a été assimilée à un défaut de performance. Les réformes successives du système de soin combinées à des critères normatifs excessifs y ont produit des aberrations territoriales, probablement plus coûteuses pour la société qu’une approche égalitaire.

      Véritables pôles territoriaux de ressources pour la santé publique, irriguant près de 20% du territoire national, et vecteurs d’emploi local qualifié, les anciens hôpitaux ruraux généraux qui maillent l’hyper-ruralité ont été étranglés par la mise en place, sans discernement, de la tarification à l’activité (T2A), alors qu’ils remplissent dans le même temps une fonction généraliste indispensable : maternité, chirurgie, gérontologie, SMUR, consultations spécialisées, urgences, réanimation…

      Du fait du faible nombre d’habitants, et de la haute technicité et sécurité exigée, la seule rémunération à l’acte ne peut d’évidence pas permettre l’équilibre d’un tel modèle.

      Malgré la qualité et l’engagement des équipes de secours et des médecins dans ces territoires, l’absence d’hélicoptère de secours à l’année suffit par ailleurs à exploser tous les protocoles réglementaires en matière de santé.

      Susceptible de constituer une réelle solution d’avenir pour une partie importante des services de santé, qu’ils soient qualifiés ou plus ordinaires, la télémédecine voit, dans ces territoires, son développement entravé par le handicap persistant d’une infrastructure numérique insuffisante.

      En effet, la grande faiblesse de desserte de l’hyper-ruralité en matière d’Internet haut-débit et de téléphonie mobile constitue sans doute possible le principal handicap pour son avenir, tant en matière de services essentiels (comme la santé mais aussi l’éducation, les démarches administratives…) que de développement économique.

      Laissant d’abord libre cours aux opérateurs privés dans les zones urbaines rentables, l’Etat et les collectivités ont ensuite conçu des dispositifs de soutien public complexes et tributaires des volontés locales, destinés à palier au manque de rentabilité dans les territoires moins denses. Ce faisant, une partie des coûts, à la charge de l’impôt local, vient pénaliser des

      territoires hyper-ruraux disposant en même temps des ressources les plus faibles. Cette double peine s’est accentuée dès lors que la mise en concurrence des opérateurs les a conduit à des politiques tarifaires de plus en plus tendues, réduisant leurs capacités d’investissement et donc freinant davantage leur intérêt à desservir les territoires les moins denses et les moins équipés, quand bien même ils seraient les plus nécessiteux.

      La téléphonie mobile, développée depuis 20 ans, en constitue l’un des meilleurs exemples. En zone hyper-rurale, les activités, les fournisseurs, les clientèles, les ressources sont plus distantes qu’ailleurs, de même que les équipements fixes pour communiquer. La téléphonie mobile et, avec elle, l’Internet, est donc bien plus utile qu’ailleurs.

      Finalement, en ne construisant pas un modèle économique de desserte numérique et de téléphonie mobile à l’échelle du territoire national, l’Etat a organisé dès l’origine un système de creusement de l’inégalité territoriale d’accès à des services pourtant devenus universels et d’autant plus stratégiques dans les zones de faible densité. Dernière expression de l’action publique dans ce domaine, le plan national France Très Haut Débit (FTHD) voit une fois de plus l’hyper-ruralité insuffisamment priorisée par rapports à des territoires dont les handicaps structurels et les enjeux sont moindres. Quant au mix technologique, il reste insuffisamment développé.

      La situation des territoires hyper-ruraux s’illustre aujourd’hui concrètement :

      • le principe affiché de couverture du territoire par les opérateurs de téléphonie mobile est abusif, puisqu’il repose sur le cumul de couverture des trois réseaux principaux (Orange, SFR, Bouygues) : souscrire trois abonnements suffirait-il pour espérer être couverts ? Rien n’est moins sûr, tant les « zones blanches », malgré les affirmations, sont légions dans l’hyper-ruralité, empêchant l’artisan d’être joint pour un devis, l’ouvrier forestier accidenté d’être secouru rapidement, la famille d’estivants d’être guidée pour trouver son gîte rural ou de réserver un restaurant. Non couvert, le village de Masgot, troisième site touristique de Creuse (35 000 visiteurs/an) ne pourrait pas non plus, par exemple, faire bénéficier ses visiteurs d’une découverte du patrimoine appuyée sur un média moderne type smartphone… Quant aux jeunes générations de la campagne comme de la ville, les yeux rivés sur le témoin de réseau de leur appareil, elles pourraient dire en cœur et à raison : « s’il n’y a pas de barres, je me barre ! »

      • Privée de l’Internet haut-débit, la PME industrielle voit ses échanges à distance ralentis ou pénalisés, le professionnel libéral exerçant des métiers de conception architecturale ou artistique doit louer un local professionnel dans la ville la plus proche, à 30km, pour pouvoir espérer transmettre ses fichiers numériques à ses clients, et la famille d’estivants citadins ne relouera pas de gîte rural ici l’année prochaine, malgré le calme et la beauté des paysages, car il n’était pas équipé d’un accès wi-fi et que la 3G n’y passait pas… ce qu’aucun membre de la famille, à commencer par l’adolescent incrédule, ne pensait possible.


    7. Bilan : un Etat préférant l’uniformité de vision à l’égalité des chances, le déménagement à l’aménagement des territoires


      Les constats qui précèdent révèlent à tous niveaux une « déterritorialisation » de l’action publique, de la part d’un Etat de plus en plus « hors sol » dans ses implantations, dans ses réflexes, dans sa culture.

      Ce qui pourrait apparaître comme une abstraction rassurante de l’Etat face aux contextes locaux se révèle finalement un contresens en matière d’égalité des territoires.

      Largement commentée à travers le rapport « Vers l’égalité des territoires » coordonné par Eloi Laurent33, la notion d’égalité appliquée aux territoires diffère de celle devant s’appliquer aux citoyens : la seconde suppose d’abord une égalité de traitement face à la loi, tandis que la première renvoie d’abord à l’égalité des chances dans la mise en capacité. Elle implique de reconnaître les spécificités territoriales pour adapter les actions à mener, dans leur conception comme dans leur mise en œuvre.

      Seules lois d’aménagement et de développement conçues pour des territoires spécifiques, les lois « Littoral » et « Montagne » marquent l’histoire par leur caractère intersectoriel et le souci d’une approche globale adaptée aux espaces auxquelles elles ont vocation à s’appliquer. Bien qu’objet de discussions ponctuelles sur l’application de telle ou telle mesure, elles constituent à la fois des symboles et des piliers d’une vision stratégique du territoire affirmée au niveau national par l’Etat et assumée par les collectivités territoriales pour la mise en œuvre qui les concerne34.

      En dehors de cet exemple marquant, l’Etat – et certaines grandes collectivités territoriales à son image - ont plutôt pratiqué un pseudo-égalitarisme uniforme qu’une recherche d’égalité des chances. Ce glissement d’approche aura finalement creusé l’écart entre les territoires.

      Fait aggravant pour l’hyper-ruralité, l’Etat n’a pas véritablement assumé, au travers de ses réorganisations récentes, les principes de la décentralisation, en ne corrigeant pas cet écart dans les conditions de mise en capacité, en particulier en matière d’ingénierie.

      Seul acteur qui aurait pu garantir, dans un monde en forte évolution, des lignes de conduites claires et assumées sur le long terme, l’Etat a par ailleurs été, en tant qu’employeur et acteur de l’économie présentielle, l’un des premiers pourvoyeurs d’instabilité dans les territoires hyper-ruraux, en réduisant systématiquement sa présence et ses missions et ce, sans toujours l’assumer.

      La situation est préoccupante : à juste titre, les experts spécialistes de la ruralité, sur la question des réponses à l’enclavement35, brisent utilement le tabou du lien parfois confus entre le territoire et les populations qui y résident. Si le désenclavement, la fourniture de services… dans l’hyper-ruralité s’avèrent trop coûteux aux yeux des experts et des responsables, n’est-il pas plus rentable de chercher à rapprocher la population des services plutôt que l’inverse ? Si l’aménagement du territoire n’est plus une priorité stratégique nationale, pourquoi ne pas assumer, au nom du bien collectif, le déménagement des


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      33 rapport « Vers l’égalité des territoires », pour la Ministre de l’égalité des territoires (2013)

      34 L’article 1er de la loi littoral indique par exemple que « la réalisation nécessaire de cette politique [spécifique d'aménagement, de protection et de mise en valeur du littoral] implique une coordination des actions de l'Etat et des collectivités locales. »

      35 « Espaces ruraux et ruptures territoriales », M. Hilal, Y. Schaeffer et C. Détang-Dessendre, in rapport « Vers l’égalité des territoires », voir note 32

      populations enclavées, notamment les plus précaires et les moins mobiles ? Pourquoi finalement ne pas assumer d’achever le déménagement du territoire, à l’œuvre par bien des aspects ?

      Une telle conception heurte brutalement l’image que l’on peut avoir de la France, de sa construction historique et des enjeux réels qui touchent quotidiennement les 3,4 millions de citoyens habitant l’hyper-ruralité, et plus largement tous ceux qui ont avec elle des liens économiques, résidentiels, culturels et affectifs. Il serait bien peu probable qu’à l’issue d’un grand débat national, la majorité des français, ainsi que des acteurs économiques et territoriaux, trouvent souhaitable de transformer un quart du territoire national en « réserve d’indien sans indiens », dédié aux seules ressources naturelles et à leur exploitation.

      Il est aujourd’hui temps de revenir sur ces approches, par une véritable politique d’aménagement et d’égalité des territoires, adaptée aux réalités, à commencer par celle de l’hyper-ruralité.

  2. Un pacte national pour l’hyper-ruralité proposé au gouvernement


    Un peu de politique fiction en faveur de l’hyper-ruralité… inspirée de John Rawls.36

    Imaginons un instant un gouvernement réunir les hauts responsables de ses différents ministères, en leur disant : « nous avons retenu le principe de délocaliser dans l’hyper- ruralité une administration parmi celles que vous représentez, sans avoir décidé laquelle à ce jour. Peut-être procéderons-nous d’ailleurs par tirage au sort. Si vous étiez concerné, vous y seriez bien entendu affecté pour en assurer la direction pendant plusieurs années. A présent, quelles seraient, selon vous, les actions à développer en faveur des territoires hyper-ruraux, tant dans les politiques sectorielles dont vous avez la charge qu’en termes d’organisation et gestion des administrations ?... »


    1. Au nom de l’urgence à faire l’égalité des territoires


      Agir pour mettre en capacité de rebond l’hyper-ruralité est d’abord affaire de principe.

      L’indivisibilité de la République et sa représentation de façon homogène sur l’ensemble de l’espace national sont des principes constitutionnels intangibles.

      Il ne peut y avoir de sous-territoire, de même qu’il ne peut y avoir de sous-citoyen et de minorité sacrifiée et interdite d’avenir au profit… non pas tant du bien-être de la majorité mais plutôt du seul respect d’une vision dominante, nourrie par les habitudes, les indicateurs, et la mécanique des processus de décision.

      La solidarité républicaine et la cohésion nationale doivent l’emporter, en s’appuyant sur un Etat modernisé et « vertébré ». La remise en capacité des territoires hyper-ruraux concourt à l’avenir démographique, économique et social de 25 % de l’espace national, donc au potentiel de développement et d’égalité pour l’avenir du pays dans son ensemble : « la valeur et la force d’attraction des territoires français dépendent de manière capitale, matricielle, de la qualité de leurs infrastructures et de leurs services publics, capital institutionnel qui fait une part essentielle de la « compétitivité » nationale au plan mondial »37.

      Enfin, l’urgence est de mise, car en deçà d’un certain seuil de présence de services et d’activités, qui constitue le seuil d’abandon, toute réintervention publique ultérieure, pour revitaliser ou plus simplement garantir la sécurité, se révélerait globalement plus coûteuse dans la durée que le maintien au dessus du seuil38.

      La question des services essentiels à offrir à la population, donc indirectement à offrir aux acteurs des territoires est, par nature, d’intérêt national. Liée au principe d’égalité citoyenne, elle engage directement l’Etat, qui doit s’en saisir efficacement à l’échelle nationale. En revanche, d’autres aspects de mise en capacité, comme les aides territoriales, pourront au contraire gagner à être davantage déconcentrées.


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      36 Philosophe américain, Pr. à Havard, père de la « Théorie de la justice » et du concept de « voile d’ignorance »

      37 Eloi Laurent, « Vers l’égalité des territoires », introduction au rapport (2013), voir note 32

      38 Des travaux récemment menés par l’OCDE sur les espaces très faiblement habités tendent à démontrer l’intérêt en termes d’analyse coût/bénéfice, au maintien d’un niveau de présence minimum des services, du fait du coût très élevé à garantir des services minimum (sécurité…) une fois la présence disparue.

      Caractérisée par le déficit ou la fragilité des services essentiels qu’elle offre, l’hyper-ruralité est au coeur de la question, car la rentabilité de ces services, qui repose en grande partie sur la densité de population, y est plus faible qu’ailleurs.

      La mise en capacité de l’hyper-ruralité est conditionnée par l’existence de ce socle de services essentiels.

      Face à cette prise de responsabilité par l’Etat, les collectivités territoriales de l’hyper-ruralité doivent exercer pleinement les leurs en faisant vivre ces principes par l’action, dans le cadre de leurs compétences respectives.

      Sans attendre, le pacte national pour l’hyper-ruralité constitue le cadre pouvant consacrer de tels engagements.


    2. Au nom du pragmatisme et de l’efficacité collective


      La réalité du système territorial impose de refonder les visions et les partenariats sur la base de l’intérêt collectif : les villes ne sont pas les ennemies des campagnes, de mêmes que les villes ou les territoires ruraux n’ont pas vocation à être concurrents entre eux.

      Dans une économie mondialisée et accélérée, bénéficiant de la mobilité croissante des individus, des activités et des ressources indépendamment de l’action publique, aucune collectivité, aucun acteur public ou privé ne détient à lui seul les leviers du développement territorial et ne peut prétendre gagner dans un rapport de force. Il n’y a que la recherche d’alliances objectives qui pourra permettre, avec pragmatisme et sans angélisme, d’éviter la division inutile, l’épuisement concurrentiel et l’étouffement par manque d’innovation.

      L’ingénierie territoriale, à savoir « l’ensemble des savoir-faire professionnels dont ont besoin les collectivités publiques et les acteurs locaux pour conduire le développement territorial et l’aménagement durable des territoires » (CIADT 2003), est l’une des clés de cette mise en capacité. Dans les territoires hyper-ruraux, elle prend une importance d’autant plus grande que la matière grise y est plus rare, donc plus précieuse, et que les relations entre acteurs, notamment entre public et privé, peuvent y trouver un terrain d’expression innovant. En effet, peut-être plus que dans les villes, la richesse peut s’y créer sur la base de constructions collectives, appuyées sur le temps long du territoire.

      Par la nature de leurs atouts et de leurs faiblesses, les territoires hyper-ruraux sont des acteurs majeurs de ce défi des alliances pour un résultat collectif. S’ils ont intérêt à coopérer, ils doivent aussi savoir démontrer l’intérêt des autres territoires à coopérer avec eux. Dans le système territorial, les solidarités peuvent trouver à s’exprimer de façon plus équilibrée qu’il n’y paraît : l’hyper-ruralité peut accueillir, fournir des ressources, mais aussi travailler voire inventer pour d’autres et avec d’autres. Elle peut voir sa jeunesse partir se former à l’extérieur mais aussi la voir revenir, ou être heureuse d’accueillir pour quelques années des jeunes ou des professionnels qui trouveraient à s’enrichir d’une expérience différente de celle qu’ils connaissent dans d’autres territoires. Certains le savent pour l’avoir vécu mais ils sont peu nombreux.

      Le pacte national pour l’hyper-ruralité a pour vocation de permettre que s’exprime cette mise en commun des intelligences, dans le cadre de relations empreintes de maturité. L’Etat, à la fois acteur des politiques, porteur de savoir-faire et pourvoyeur d’emplois locaux, doit y trouver les fondements d’une véritable modernisation de son organisation et de son action, à la hauteur des attentes qui restent placées en lui.


    3. Savoir s’inspirer de la politique nationale de ruralité du Québec


Etat doté d’une très faible densité de population sur une grande partie de son territoire, le Québec a développé dès 2002 une politique nationale en faveur de la ruralité, qui en est aujourd’hui à sa troisième génération (2014-2024).

Appuyée sur un document cadre (« engagement en faveur du monde rural »), cosigné par le gouvernement et les instances de représentation et d’ingénierie des collectivités rurales, cette politique nationale définit les moyens que l’Etat y consacre sur 10 ans.

470 millions de dollars sont ainsi engagés, en majorité dédiés à l’outil phare de la politique, le pacte rural (contrat volontaire passé entre le gouvernement du Québec et la municipalité régionale de comté, collectivité de taille intermédiaire volontaire). Le reste des moyens est judicieusement affecté au renforcement de l’ingénierie (qui prend la forme d’un réseau d’agents de développement rural cofinancés par l’Etat et les municipalités) au conseil, à la formation et à l’animation.

Les résultats indiqués sur la période 2002 – 2014 font état de 15 000 projets financés, et pour la période 2007-2013, la signature de 91 pactes ruraux, un milliard de dollars d’investissements, avec un effet levier conséquent (1 dollar d’aide du pacte rural générant 5,66 dollars d’investissement additionnel).


Que retenir de l’exemple québécois ?

La politique nationale de ruralité du Québec, et notamment le pacte rural, témoigne :

  • de l’existence d’une politique claire et assumée en faveur des territoires ruraux les plus fragiles et les plus isolés, qui engage solidairement l’Etat et les collectivités, sur la base de constats partagés, de priorités explicites, d’intérêts à agir ensemble ;

  • de la matérialisation du contrat moral à travers l’engagement national et la signature des pactes, avec la valeur juridique qui en découle (obligations claires de rapportage, avec des clauses de reversement précises, et critères de conditionnalité obligeant, par exemple les collectivités à signaler tout différent en cours avec l’Etat sur d’autres sujets) ;

  • de l’adoption d’objectifs stables sur le temps long et de la capacité de l’Etat à s’engager sur un horizon de 10 ans ;

  • de leur traduction sous la forme d’un ensemble de mesures diversifiées mais cohérentes, ciblées pour leur intérêt et leur efficacité, régulièrement évaluées et pouvant faire l’objet des actualisations nécessaires ;

  • d’une grande liberté donnée aux collectivités locales pour utiliser les moyens mis à disposition sur la base des objectifs contractualisés, en l’échange d’un rapportage et d’une évaluation des résultats ;

  • d’une attention soutenue portée au développement de l’ingénierie des territoires, leur mise en réseau et leur montée en compétence ;

  • d’une capacité à utiliser l’évaluation comme un outil de progrès, notamment pour proposer de nouvelles dispositions (cas des pactes « plus » destinés, à partir de 2014, aux territoires souhaitant développer un volet innovant dans le champ de politiques d’avenir jugées prioritaires par le Gouvernement).

    A travers cet exemple, on voit notamment que les trois dimensions, d’une part des règles et normes, d’autre part des moyens financiers, enfin des compétences et de l’ingénierie sont indissociables et doivent être traitées de concert : les moyens ne sont bien employés que sur la base d’actions bien conçues, et celles-ci ont davantage besoin d’être appréciées dans leurs résultats que contraintes a priori dans leur mise en œuvre.

    La proposition de pacte national pour l’hyper-ruralité s’inspire de cet exemple, en l’adaptant à la situation française, analysée ci-avant.

    Elle repose sur l’idée que les principaux freins peuvent être levés : les constats peuvent être partagés, les intérêts communs identifiés, les responsabilités de chacun assumées, pour une mise en rebond effective des territoires hyper-ruraux pouvant servir l’ensemble du territoire national.

    Loin de la simple posture de revendication de moyens supplémentaires ou d’un appel aux grandes manœuvres pour changer l’apparence des structures sans en changer le fond, les mesures proposées à l’appui du pacte national se concentrent sur les enjeux fonctionnels, les conditions de mise en œuvre, « la logistique et l’intendance » de l’action publique.

    Dans cet esprit, trois préalables sont à retenir et souligner :

  • la reconnaissance de l’hyper-ruralité, en tant que réalité territoriale objective, appuyée sur les travaux d’experts : 250 bassins de vie, 3,4 millions d’habitants, 26 % du territoire ;

  • la nécessité de bouleverser le choix et l’usage des indicateurs, qui restent indispensables à la décision mais sont ici inadaptés ;

  • la nécessité de substituer « une vision politique et déterminée » porteuse d’avenir au pilotage par les seuls indicateurs, comme l’illustre pleinement le rapport établi par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective « Quelle France dans 10 ans ? »39. En bien ou en mal, la volonté de relier toutes les préfectures de France à moins de 45 minutes d’une autoroute a produit des effets différents d’un simple recours aux statistiques de trafic…


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39 Contribution au séminaire gouvernemental du 19 août 2013

4 Un pacte national pour l’hyper-ruralité en dix propositions simples et efficaces


Dix propositions sont formulées pour constituer le socle du pacte national pour l’hyper- ruralité. Il s’agit de six mesures opérationnelles, complétées par quatre recommandations, qui relèvent de problématiques connexes.



Mesure 1 : L’obligation de traiter de l’hyper-ruralité


« L’obligation de prendre en compte l’hyper-ruralité concerne aussi bien les lois que la planification et la programmation. Elle s’appuie sur une réelle évaluation d’impact. »


Enjeux

Depuis l’adoption marquante des lois « Montagne » (1985) et « Littoral » (1986), l’Etat a malheureusement réservé aux seules politiques de la ville l’usage de la loi pour répondre de façon globale, cohérente et adaptée aux enjeux spécifiques de certains territoires. A contrario, les textes sectoriels, qu’ils soient porteurs de programmation ou de normes, se sont largement multipliés à l’initiative de chacun des ministères. Elaborés de façon compartimentée au niveau central, à un rythme incessant, ils s’avèrent souvent mal évalués dans leurs conséquences voire contradictoires dans leur application. Sauf exception, ils ne tiennent jamais compte de la diversité des situations territoriales, en particulier de l’hyper-ruralité.

Les politiques contractuelles (contrats de plan Etat – Région – CPER-, fonds européens FEDER, FEADER, FSE…), pourtant vouées à correspondre aux spécificités des territoires, n’ont généralement pas davantage pris en compte les problématiques propres à l’hyper- ruralité, qui reste étonnamment absente des documents de cadrage et critères de programmation, contrairement aux zones urbaines.

Les raisons de ce manque d’attention ont malheureusement été rappelées dans le présent rapport : territoires excentrés, éloignés des métropoles, méconnus des décideurs, faiblement représentés, dilués dans la notion inopérante de « ruralité » et massivement pénalisés par les indicateurs et critères administratifs ordinaires.

A l’heure d’une nouvelle étape clé de décentralisation et de réorganisation territoriale, la place de l’hyper-ruralité doit être affirmé et pris en compte dans les politiques de l’Etat, ainsi que dans celles des collectivités territoriales. Il importe notamment qu’à travers la portée envisagée pour le nouveau schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), les régions ne reproduisent pas, à l’échelle de leur espace de compétence, un accroissement d’inégalités portant à nouveau préjudice à l’hyper-ruralité et finalement au développement régional dans son ensemble.


Propositions

  • A l’image des évolutions opérées pour l’environnement dans le cadre des lois Grenelle, il convient d’inclure un volet obligatoire sur l’hyper-ruralité, d’une part dans l’analyse

    d’impact préalable des projets de loi et décrets avant leur adoption ou modification, d’autre part dans le contenu des lois, notamment de programmation (enseignement supérieur, santé, infrastructures…). Le commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) serait garant de l’expertise fournie par les administrations porteuses des textes.

  • Le projet de loi de décentralisation en cours d’examen (article 7 – I modifiant l’art. L. 4251-1 du CGCT) doit être complété dans sa rédaction, pour que le SRADDT, outre la notion générique d’égalité des territoires, intègre un objectif spécifique relatif « aux moyens de désenclavement et de mise en capacité des territoires hyper-ruraux ». A échéance des premiers SRADDT, le gouvernement adresse un rapport au parlement indiquant la manière dont les schémas ont spécifiquement pris en compte l’objectif relatif à l’hyper-ruralité.

  • Pour les régions concernées, l’Etat doit inviter les régions à traiter spécifiquement de l’hyper-ruralité dans le cadre des prochains CPER (volet territorial…), ainsi que dans les mesures et critères de conditionnalité à établir pour les principaux fonds européens (FSE, FEDER, FEADER). En particulier, le FEADER devrait, conformément aux objectifs de ce fonds, servir plus efficacement le développement des territoires ruraux dans leur ensemble, au-delà du seul domaine agricole. La révision à mi-parcours de ces programmes permettrait de progresser sur la base des premiers engagements.


    En pratique :

    • Dans tous les domaines, qu’il s’agisse d’implantations ou d’infrastructures (enseignement, formation, économie, sport, culture…), les lois ordinaires ou de programmation devront être analysées sur la manière dont l’hyper-ruralité est prise en compte et dire quels équipements, quelles implantations, quelle part d’action ou d’investissement elles réserveront à l’hyper-ruralité, au-delà du critère quantitatif.

    • Par l’introduction de l’objectif du SRADDT relatif à l’hyper-ruralité, les Régions seraient invitées à appréhender la situation spécifique de leurs territoires hyper- ruraux et arrêter les orientations les plus adaptées en matière d’aménagement et de politiques régionales, y compris des aides économiques dans le cadre du SRDE. L’Etat jouerait un rôle de garant à travers l’avis conforme du Préfet, y compris dans l’harmonisation inter-régionale.

    • Les CPER comporteraient un chapitre obligatoire relatif à l’hyper-ruralité dans leur volets territoriaux, de même que le FEADER et le FEDER incluraient des mesures et/ou des critères de conditionnalité spécifiques, favorables aux territoires hyper- ruraux. A l’initiative des collectivités, les dispositifs contractuels des régions (contrats de territoire…) et des départements pourraient alors être judicieusement mis en cohérence.


      Mesure 2 : L’engagement de non décroissance du signal républicain


      « L’engagement de non décroissance du signal républicain pris par l’Etat l’engage en termes de résultat : d’une part, sur un socle non négociable de services aux populations, d’autre part, sur la préservation quantitative des effectifs des services, entreprises et établissements publics de l’Etat, appuyée sur la notion de mission délocalisée. »


      Enjeux

      Du fait de sa faible densité de population, l’hyper-ruralité subit en continu et de plein fouet les impératifs de rentabilité apparente qui s’appliquent désormais, tant aux services marchands qu’aux services non marchands : elle voit fermer ses gares, ses agences postales et ses hôpitaux, mais aussi réduire mécaniquement, au profit des zones urbaines, les effectifs et compétences de ses administrations, de ses chambres consulaires… dont les agents participent pourtant directement à la vie et à l’intelligence du territoire où elles sont implantées. Dès lors que les seuils critiques sont franchis, les baisses de performance du service se généralisent, justifiant elles-mêmes d’aller vers la fermeture, alors qu’aucune économie globale ne semble pouvoir être démontrée. Quant aux nouvelles technologies, les territoires hyper-ruraux les attendent toujours…

      Ce décalage, creusé jusqu’à présent par des choix publics plus ou moins assumés, désormais s’autoentretient et s’aggrave. Il revient à considérer durablement 3,4 millions de français hyper-ruraux comme de véritables « sous-citoyens ». En ruinant l’attractivité résidentielle et économique des territoires hyper-ruraux, il leur interdit tout réel espoir de rebond, malgré les atouts objectifs dont ils disposent par ailleurs.

      Cette régression, en forme de fatalité, peut et doit être clairement combattue : d’une part, en redéfinissant le socle des services essentiels à un pays moderne et le modèle économique nécessaire pour garantir leur existence, d’autre part, en osant, grâce à de nouvelles formes d’organisation, la préservation de l’emploi public d’Etat et la présence du signal républicain dans les territoires hyper-ruraux. Ces nouvelles organisations peuvent s’appuyer sur un double mouvement de rééquilibrage et de solidarité : le maintien voire le renforcement des effectifs d’agents en place dans l’hyper-ruralité, et la délocalisation de missions à leur confier.


      Propositions

  • Le pacte national pour l’hyper-ruralité doit conduire à établir la liste et le niveau des services à la population désormais jugés « indispensables et non négociables » pour tout territoire, notamment en matière de santé, de TIC (téléphonie, Internet), et de transports. Ces objectifs doivent être pris en compte dans les futurs schémas départementaux d’accessibilité des services au public (prévus par l’article 21 du projet de loi de décentralisation).

  • Les effectifs des services, entreprises et établissements publics de l’Etat doivent désormais être quantitativement protégés. Afin de contribuer à l’effort de rationalisation et d’économie s’appliquant à l’ensemble de ces structures sur le plan national, les implantations dans les territoires hyper-ruraux se voient confiées des missions déportées

    ou délocalisées, pour le compte d’autres territoires, éventuellement en recourant dans un premier temps à l’expérimentation, sous l’égide du SGMAP. Afin de pouvoir évaluer l’ensemble du dispositif, un bilan régulier sera fourni au gouvernement par les différentes administrations sur l’affectation territoriale de leurs moyens et crédits.


    En pratique :

    • On dresse l’état des effectifs par territoire pour les administrations de l’Etat. Il constitue un seuil quantitatif minimum et garanti. Pour contribuer aux efforts globaux de réduction des moyens et sans préjudice des renforts jugés nécessaires, toutes les administrations (police, gendarmerie, justice, administration pénitenciaire, finances, DDT, DDCSPP, éducation nationale…) délocalisent au besoin des tâches dans l’hyper-ruralité. Exemples :

      • le TGI de Mende, expert en matière de tutelles, peut devenir pôle ressource sur le plan régional ou national,

      • la DDT de la Creuse peut devenir service ressource en matière d’application des réglementations sur les zones humides, celle de Bastia ou de Cahors développer des méthodes prospectives nationales en matière d’agriculture,

      • le CDI de Foix peut traiter l’excédent des dossiers d’impôt sur le revenu à contrôler mais non traités à Toulouse,

      • La Gendarmerie de Digne ou de Gap peut devenir pôle d’expertise national sur des missions techniques,

      • L’Inspection d’académie d’Aurillac peut devenir pôle national de ressource sur les rythmes scolaires, etc.

    • Les critères du plan de développement des infrastructures numériques « France Très Haut-Débit » et les mécanismes de solidarité territoriale seraient réévalués pour doter sans délai les territoires hyper-ruraux d’un accès en Internet haut-débit, intégré dans le service universel des télécommunications. Priorité serait accordée aux centralités des territoires hyper-ruraux, a fortiori dès lors qu’elles disposent d’un établissement de santé susceptible de développer le recours à la télémédecine.

    • Tous les départements hyper-ruraux seraient dotés d’un hélicoptère de secours, en encourageant la mutualisation des moyens (sécurité civile, gendarmerie, pompiers).


      Mesure 3 : La création d’un « guichet unique hyper- ruralité » piloté par l’Etat


      « Il s’agit de rendre possible l’initiative qui ne l’était pas, ou pas facilement. »


      Enjeux

      Parce qu’elle repose sur un faible nombre d’acteurs présents et non remplaçables, l’initiative est précieuse dans les territoires hyper-ruraux, d’autant plus que la création d’activité, la multiplication des opportunités et des échanges s’y révèle plus difficile qu’ailleurs. Quand elle émerge, cette initiative, qu’elle soit publique, privée ou mixte, est potentiellement porteuse de rebond pour le territoire. Elle doit être accompagnée avec pertinence et attention, par différents types d’ingénierie (technique, financière, administrative, juridique… voir mesure 5) et, le cas échéant, par des soutiens financiers publics capables de suffisamment s’adapter à leurs caractéristiques.

      Par ailleurs, certaines initiatives intéressantes de l’hyper-ruralité ne correspondent pas aux critères d’éligibilité habituels des aides publiques, généralement conçus pour d’autres contextes. Elles peuvent appeler des réponses hors cadre préétabli qui, aujourd’hui, peinent à être acceptées, même lorsque les garanties de bonne fin sont présentes.


      Propositions

  • Le « guichet unique » aura pour mission d’accueillir, d’expertiser, de conseiller et d’accompagner le projet jusqu’à sa réalisation. Piloté par un sous-préfet missionné dans chaque département comportant un territoire hyper-rural, il est compétent pour aborder tous les aspects (réglementaires, techniques, financiers…) en s’appuyant sur les services de l’Etat et sur le pôle national d’expertise hyper-ruralité (Cf. mesure 5). Il peut accueillir les projets publics ou privés de toute taille et organiser si besoin une gestion de projet spécifique, via un groupe d’appui. C’est un outil de facilitation et d’adaptation aux projets de l’hyper-ruralité.

  • Dans le cadre de sa mission de coordination, le sous-préfet pourra associer au groupe d’appui les collectivités et acteurs territoriaux jugés pertinents pour l’accompagnement du projet. Un bilan annuel du fonctionnement du guichet, assorti de pistes d’amélioration continue, sera établi localement, en y associant ces partenaires, afin de tenir compte de leurs propres contributions au dispositif. Le CGET, avec l’appui des chargés de missions affectés au guichet, assurerait la supervision et l’évaluation de l’ensemble du dispositif.

  • Les fonds d’Etat existants, qu’ils soient généraux, comme la DETR, ou thématiques, comme le FISAC seront à minima rendus fongibles, voire fusionnés, afin d’assurer une répartition ciblées selon les bénéficiaires (particuliers, entreprises, collectivités…). Les critères d’attribution seront clarifiés et assouplis pour pouvoir accueillir des projets jugés pertinents, qualitatifs et générateurs de dynamique pour ces territoires. Corollaire de l’assouplissement, l’évaluation des projets et des dispositifs (en amont lors de l’instruction, en cours et a posteriori) sera renforcée.

    Les Préfets de région, assistés des SGAR, animeront le réseau des guichets unique au niveau régional, tandis que le CGET assurera l’animation technique du réseau au niveau national. Le rapport annuel d’exécution budgétaire au parlement fera spécifiquement état

    En pratique :

    • Le guichet unique conseille et accompagne tous les projets grands ou petits qui le contactent, pour éviter l’engagement d’études inutiles, des projets non viables ou sans potentiel économique, pour s’assurer le faisabilité, notamment réglementaire et pour optimiser le financement. C’est un outil d’aide à la réalisation. Exemples :

      • M. X aimerait créer une petite entreprise de boulangerie, avec livraison à domicile, en associant des prestations de service : transport de colis, démarches administratives pour des personnes ne pouvant se déplacer, transport à la demande… il prend contact avec le guichet unique animé par le sous-préfet missionné, qui examine son projet, en lui précisant les principales contraintes administratives et les possibilités d’aides. Pour les aspects réglementaires et les solutions de financement de l’acquisition d’un véhicule adapté, le groupe d’appui administratif est réuni plusieurs fois sur la durée du projet, en y associant le cas échéant la chambre consulaire, les collectivités territoriales concernées, et l’organisme bancaire partenaire du porteur ;

      • la commune de X dispose d’une possibilité de création d’une micro- implantation touristique en bord d’étang ou de rivière. Le guichet unique, appuyé si besoin par le pôle national d’expertise hyper-ruralité (Cf. mesure 5), aborde la faisabilité au regard de la réglementation, le contexte, les possibilité de financement, et oriente si besoin vers une pré-étude efficace si la faisabilité et la pertinence minimum sont garanties.


        Mesure 4 : La règle de « démétropolisation »


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        « Les implantations de l’Etat et de ses établissements publics doivent aussi bénéficier à l’hyper-ruralité. C’est à une troisième décentralisation intelligente que nous appelons, depuis les métropoles, les grandes villes et les capitales régionales vers les territoires hyper-ruraux. »


        Enjeux

        La concentration progressive des implantations de l’Etat dans les grandes villes est un processus continu appuyé sur une vision de principe pseudo-rationnelle, sans que l’efficience globale ou le moindre coût en soit systématiquement démontré.

        L’égalité et la solidarité territoriales, le souci d’aménager et de stimuler,dans l’intérêt collectif, les 26% de territoire hyper-rural, doivent conduire à l’application du principe de démétropolisation.

        Outre les services déconcentrés, les implantations de l’Etat et de ses satellites sont encore nombreuses sur le territoire (centres de recherche du CNRS ou du CEA, banque de France, écoles nationales, centres ressources et services supports…). Une partie échappe à Paris mais se trouve le plus souvent concentrée dans les métropoles, les capitales régionales, ou pour le moins, les grandes villes.

        Il s’agit, d’une part, de conserver les implantations existantes (car précieuses) dans l’hyper- ruralité et, d’autre part, à les multiplier à chaque occasion, dès lors qu’aucun motif sérieux ne justifie une localisation différente.

        C’est donc un principe de priorité qui est exprimé à travers cette mesure de démétropolisation.

        La règle de démétropolisation, qu’il s’agisse d’une orientation stratégique ou d’une recommandation ferme, concerne aussi les grandes entreprises dans lesquelles l’Etat détient une part de capital et de décision, pour lesquelles il est donneur d’ordre ou client important.


        Propositions

  • Après un travail d’identification dans chaque domaine ministériel, sous la coordination du CGET, l’Etat doit s’engager à réaliser de nouvelles implantations et délocalisations, en concertation avec les territoires d’accueil, ainsi qu’sanctuariser, sauf exception motivée, les implantations existantes dans l’hyper-ruralité.


    En pratique :

    • Gap, Dignes, Aurillac, Ajaccio, Bastia, Cahors, Mende… pourraient accueillir tout ou partie du Conseil d’Etat !

    • Les mêmes sont aptes à accueillir écoles d’ingénieurs, unités du CNRS ou de la Banque de France, écoles nationales…


      Mesure 5 : La création d’un pôle national d’expertise


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      « Mettre l’intelligence de l’Etat en appui des projets de l’hyper-ruralité, où sa valeur ajoutée peut s’exprimer pleinement »


      Enjeux

      Les territoires hyper-ruraux buttent sur la difficulté de pouvoir mobiliser une « matière grise » suffisante au service de leurs projets de territoire et des initiatives qu’ils accueillent. Les publics et privés sont régulièrement contraints de faire appel à une ingénierie extérieure, génératrice de surcoûts et d’insuffisante qualité. Dans de nombreux cas, l’ingénierie privée n’a pas d’offre pour répondre aux besoins et moyens de ces territoires, tandis que l’ingénierie mise en avant par les collectivités territoriales, notamment les départements, montre ses limites : elle ne peut couvrir l’ensemble des champs et compétences nécessaires, en même temps qu’elle parcellise (et parfois partialise) les visions.

      L’intelligence est pourtant de la ressource clé pour l’avenir et la mise en capacité de ces territoires. Celle-ci est disponible sans surcoût ou création de poste : utilisons-là !


      Propositions

  • Un réseau national de compétence et d’expertise dédié à l’hyper-ruralité doit être mis en place au service des projets qui s’y développent, à l’initiative de l’Etat. Il a pour mission la capitalisation d’expertise et la mobilisation rapide des compétences nécessaires. Il pourrait être régi par une convention engageant les administrations et ministères concernés, en lien avec le CGET.

  • Le réseau serait activé gratuitement au bénéfice des projets publics et privés, via une saisine interne, par les guichets uniques hyper-ruralité.

  • Ce réseau d’expertise doit largement être impliqué dans le développement de l’observation des territoires hyper-ruraux (via un travail spécifique de l’observatoire national des territoires du CGET, concernant l’hyper-ruralité), le suivi et l’évaluation des projets, démarches territoriales, et dispositifs de soutien dédiés à ces territoires.

  • A l’image des réseaux traitant de l’information géographique, ce réseau « Etat » sera l’armature d’un réseau plus large, ouvert aux partenaires des collectivités territoriales.


    En pratique :

    • Tout porteur de projet, public ou privé, en zone hyper-rurale, pourra recourir, par l’intermédiaire du guichet unique, au pôle national hyper-ruralité. Par exemple, le guichet unique hyper-ruralité ayant accueilli le projet de M. X (cf. mesure 3) contacterait, en lien avec le SGAR de sa région, les membres du réseau national pouvant leur fournir une analyse juridique précise des conditions d’exercice des différents services envisagés, les conséquences en termes d’agrément, de fiscalité...

    • le réseau national pourra assister le CGET dans la production régulière d’états des lieux, analyses et propositions concernant les territoires hyper-ruraux. Il pourra être à l’origine de réflexions et d’échanges entre acteurs des territoires hyper-ruraux.


      Mesure 6 : Le droit à la pérennisation pour les expérimentations efficientes


      « Plus petits, plus fragiles, en prise depuis 30 ans à la disparition ou à la délocalisation d’activités et de services, les acteurs des territoires hyper- ruraux ont souvent imaginé, à la marge des règles nationales, des modèles performants en termes de coût et de services rendus. Contrairement à l’idée reçue, ces territoires peuvent préfigurer l’avenir en offrant de nouveaux modèles utiles à la collectivité nationale »


      Enjeux

      Parce que les textes ne sont pas pensés pour elle, l’hyper-ruralité est confrontée, plus que d’autres territoires, à la nécessité de disposer d’adaptations législatives, réglementaires ou normatives dans différents domaines. Dans certains cas, la modification éventuelle des textes peut nécessiter une phase expérimentale préalable, quitte à ce que la conclusion permette éventuellement des modifications définitives qui concernent plus que les seuls territoires hyper-ruraux.

      Parallèlement, la spécificité de l’hyper-ruralité en matière de services publics en fait un espace privilégié pour l’expérimentation de nouvelles formes d’organisation administrative.

      Le droit à l’expérimentation dans son ensemble doit être poursuivi et privilégié dans ces territoires, tant en termes de normes que de processus et d’organisation. Il doit faire l’objet d’une évaluation systématique à terme et d’un retour d’expérience approfondi. En particulier, l’expérimentation ayant démontré son efficience à coût égal ou inférieur doit être pérennisée.

      Propositions

  • L’Etat, dans les territoires hyper-ruraux, propose des expérimentations, notamment destinées à favoriser le maintien de l’activité et des services. Il les considère comme des laboratoires privilégiés et prioritaires. Les expérimentations réussies sont proposées sur le plan national.

  • Chaque expérimentation ou forme nouvelle est évaluée au terme de sa durée, en y associant le pôle national d’expertise hyper-ruralité (Cf. mesure 5). Lorsqu’elle est réussie et efficiente en termes de coût et de service rendu, elle ouvre un droit à la pérennisation. Les textes sont alors modifiés en conséquence.


    En pratique :

    • dans le cas de l’ophtalmologue souhaitant employer un opticien, si une expérimentation s’avère nécessaire avant modification des textes, celle-ci pourrait être menée en territoire-hyper-rural

    • A l’issue de l’expérimentation et de l’évaluation menée, l’expérience de la caisse commune de sécurité sociale de Lozère devrait être pérennisée, parce qu’elle est efficiente (service rendu, mutualisation et coût)

    • Une expérimentation de dérogation à la loi modifiant le code de la santé publique sur le seuil minimum de population nécessaire pour accorder une licence de pharmacie

      prendrait en compte le cas des territoires hyper-ruraux, où le seul critère de population (2 500 hab.) n’est pas pertinent ;

    • Un département et des intercommunalités pourraient expérimenter une politique coordonnée concernant les écoles primaires et les collèges (ramassage scolaire, services de cantine…)

    • Une règle facilitant le bouclage des plans de financement pourrait être expérimentée en territoire hyper-rural, comme par exemple le fait qu’un financeur minoritaire puisse déroger ponctuellement à un critère d’attribution d’aide, si cela permet le bouclage d’un plan de financement.


      Recommandation 1 : Constituer des intercommunalités fortes

      et assurer la représentation des maires et des élus de l’hyper-ruralité


      « Ne pas infliger la double peine à l’hyper-ruralité par des intercommunalités trop faibles et une représentation trop faible, notamment au niveau régional »


      Enjeux

      L’attachement remarquable des élus hyper-ruraux à leur territoire, souvent fragilisé et difficile, a eu pour conséquence de faire plus difficilement accepter de nouveaux ensemble territoriaux cohérents et plus étendus. C’est pourtant le véritable moyen de l’efficacité au service des citoyens, donc de la solidarité et de l’égalité.

      Même s’il n’appartient pas à la mission d’intervenir dans le champ de la réforme territoriale en cours, la mise en capacité des collectivités territoriales apparaît comme une condition indispensable pour valoriser les mesures proposées dans le cadre du pacte et plus largement permettre le rebond des territoires hyper-ruraux.

      Là encore, la faible densité de population dans l’hyper-ruralité impose des efforts plus conséquents qu’ailleurs pour constituer des intercommunalités disposant d’une masse critique suffisante, tant en matière d’ingénierie que de capacités d’action, de représentation de l’hyper- ruralité et d’arbitrage.

      Jusqu’à présent, la seule incitation au regroupement de la part de l’Etat n’a pu compenser les difficultés pour y parvenir, dans des territoires ou le projet intercommunal suppose une capacité à organiser solidairement la gestion des principaux enjeux territoriaux mais aussi la multiplicité des questions locales. Sauf exception, les EPCI de l’hyper-ruralité ne disposent pas aujourd’hui de la taille critique nécessaire, et il revient à l’Etat, parallèlement à ses propres engagements dans le cadre du pacte, de mettre ses interlocuteurs en capacité.

      En prévision de la constitution d’EPCI susceptibles de comporter plus d’une centaine de communes, c’est la gouvernance qui doit aussi être repensée : la représentation de toutes les communes au sein d’un organe exécutif comme le conseil communautaire ne peut plus y permettre un fonctionnement opérationnel. Les créations des communes nouvelles peuvent aussi répondre efficacement à certaines situations hyper-rurales.

      Aux autres échelons, la question de la représentation de l’hyper-ruralité est aussi cruciale :

      Au niveau national, les élus hyper-ruraux sont peu nombreux (parfois un seul sénateur et un seul député par département). Pour s’élargir en intégrant la notion de territoire, la représentation parlementaire, aujourd’hui uniquement attachée au citoyen, nécessiterait une révision constitutionnelle : vaste débat !

      Au niveau départemental, malgré la récente réforme, l’hyper-ruralité reste bien représentée. En revanche, au niveau régional, la réforme en cours, qui marque un progrès substantiel en

      « garantissant un conseiller régional par territoire » doit aller plus loin en ce sens, en garantissant, dans des assemblées de 100 à 150 conseillers régionaux, 3 représentants par territoire.


      Propositions

  • fixer par la loi, au moins pour les territoires hyper-ruraux, le seuil minimal de constitution des nouveaux EPCI à niveau suffisant (de l’ordre de 20 000 habitants)

  • Etudier de nouveaux modes de gouvernance pour les EPCI comportant de nombreuses communes, comme la création d’un organe exécutif distinct de l’assemblée plénière où toutes les composantes seraient représentées (à l’image de la collectivité territoriale de Corse), notamment tous les maires

  • Garantir la représentation de tout département par au moins 3 conseillers régionaux dans la future assemblée régionale


    Recommandation 2 : moderniser la péréquation et stimuler de nouvelles alliances contractuelles


    « Si l’on admet que l’hyper-ruralité est partie de l’hinterland indispensable aux métropoles et qu’elle participe directement à la richesse nationale, il serait juste d’en tirer les conséquences. »


    Enjeux

    Les moyens accordés aux collectivités territoriales (dotations de l’Etat, fiscalité locale, contractualisations…) sont un élément clé de leur action. Agissant sur un territoire à faibles ressources, les collectivités de l’hyper-ruralité sont logiquement dépendantes de la péréquation s’opérant à travers le mode de calcul des dotations. Parfois très complexes, ces modes de calcul reposent sur un ensemble de critères élaborés avec le temps, qui là-encore favorisent régulièrement les territoires urbains et défavorisent les territoires hyper- ruraux.

    Or, le présent rapport démontre que ces territoires contribuent davantage au développement et à la richesse nationale, de façon directe, que ce que les critères habituels apprécient. Ils sont également, pour la plupart, appelés à supporter le coût de gestion d’équipements ou d’infrastructures (routes de transit…) mais aussi d’espaces naturels profitant à l’ensemble national et pour lequel ils ne disposent pas de ressource particulière liée à l’exercice de leurs responsabilités. Il y a donc un enjeu de justice territoriale à prendre en compte, au service de l’ensemble national.

    Enfin, les dispositifs contractuels existants (CPER, fonds européens…) ne permettent pas d’envisager de nouvelles formes de partenariats susceptibles de refléter les alliances d’avenir, notamment entre les territoires métropolitains et leurs espaces d’hinterland. L’innovation contractuelle doit être encouragée, d’autant plus lorsqu’elle permet de développer la mise en commun et les synergies entre collectivités territoriales elles-mêmes.


    Propositions

  • Engager, le cas échéant dans le cadre d’états généraux de la ruralité, une révision des dotations de l’Etat pour permettre aux territoires hyper-ruraux de bénéficier d’une péréquation plus juste prenant en compte les services qu’ils rendent effectivement à la collectivité nationale

  • Stimuler de nouvelles formes de contractualisation, en étudiant les possibilités de soutien par l’Etat des dispositifs pertinents (appel à manifestation d’intérêt, appel à projet ou autre dispositif permettant de soutenir, par exemple, une contractualisation métropole – territoire hyper-rural incluant, par exemple, l’accueil privilégié de classes natures par son partenaire hyper-rural, et un projet en commun concernant les énergies renouvelables et la ressource en eau, ainsi que les filières agricoles…)

  • Engager une évaluation de l’impact de la mise en place de la nouvelle fiscalité des entreprises (disparition de la taxe professionnelle) sur les territoires hyper-ruraux


    Recommandation 3 : revaloriser les fonctions publiques de l’hyper-ruralité


    « Les grandes entreprises, les grandes institutions, les grands projets, les grandes collectivités… savent s’entourer de compétences à la hauteur de leurs défis, mais les territoires hyper-ruraux, du fait même de leur situation critique, de la nature et de l’importance des enjeux qu’ils portent, nécessitent eux aussi de pouvoir accéder aux meilleures compétences. »


    Enjeux

    Qu’il s’agisse de fonctions d’exécution ou d’encadrement, pratiquement tous les métiers de la fonction publique (d’Etat ou territoriale) connaissent, à fonction équivalente, des variations de rémunération liées à la localisation ou à la « cotation » des postes occupés, celle-ci pouvant généralement dépendre d’un volume d’activité, de « l’importance du territoire »… Cette hiérarchie s’avère systématiquement défavorable aux territoires hyper-ruraux, les postes qui s’y trouvent étant généralement les moins cotés, donc les moins attractifs. Il en résulte ce sentiment de déclassement récurrent pour l’hyper-ruralité, qui dans le cas présent se traduit par l’expression consacrée : « le début ou le rebut ».

    Le coût de la vie dans son ensemble ne peut justifier une telle inégalité, qui accentue le déficit de compétences et d’attractivité, en décalage fréquent avec les responsabilités réellement exercées.

    Probablement plus attractifs aujourd’hui que certains territoires hyper-ruraux, les départements et territoires d’outre-mer bénéficient de dispositifs spécifiques (majorations salariales, primes, prise en charge de déménagements…) qui pourraient être source d’inspiration pour la situation des territoires hyper-ruraux et les administrations en charge de moderniser et fluidifier la gestion des ressources humaines de l’Etat.

    Par ailleurs, les cloisonnements maintenus voire renforcés, malgré les annonces de principe, entre administrations de l’Etat et avec l’administration territoriale entretiennent des rigidités très préjudiciables à l’attractivité des postes en territoires hyper-ruraux : les parcours professionnels valorisant et valorisés y sont rares. Le fait que l’Etat ne dispose pas d’un suivi permanent de la territorialisation de ses effectifs nuit à l’action stratégique dans ce domaine.

    Les dispositions facilitant l’exercice de postes multiples dans plusieurs fonctions publiques sont sous-employées ou découragées, alors qu’elles pourraient au contraire préfigurer le fonctionnement d’avenir des administrations.


    Propositions

  • revoir l’ensemble des dispositions de cotation et d’incitation dans les fonctions publiques d’Etat et territoriales, afin de rendre les postes de l’hyper-ruralité équitablement attractifs, valoriser les parcours professionnels en leur sein, en s’inspirant le cas échéant des dispositifs en vigueur pour les territoires d’outre-mer

  • envisager la création d’un ou plusieurs corps attractifs de fonction publique dédiés aux territoires hyper-ruraux, susceptibles d’accueillir par voie de détachement des agents des fonctions publiques d’Etat et territoriale

  • Promotion par l’hyper-ruralité : pour les postes d’encadrement ou à responsabilité, faire de l’exercice d’un ou plusieurs postes en territoires hyper-ruraux une condition d’accès à d’autres responsabilité ou à la promotion

  • Assouplir les critères de gestion des corps pour notamment privilégier des affectations de plus longue durée dans les territoires hyper-ruraux pour les postes d’encadrement et à responsabilité

  • pour les compétences rares, prévoir des dispositifs facilitant leur affectation temporaire en fluidifiant la gestion des ressources humaines

  • Mettre en place un suivi territorialisé des effectifs pour toutes les administrations de l’Etat

  • faire de l’hyper-ruralité un territoire prioritaire pour le développement expérimental d’une gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) associant Etat et collectivités.


    Recommandation 4 : Instaurer une politique énergique pour revitaliser l’habitat ancien des petites villes et centres bourgs de l’hyper-ruralité



    « L’Etat traite en priorité des problématiques de logement là où elles sont quantitativement les plus importantes, en zone urbaine et en situation de marché tendu. Pour autant, le logement, plus largement l’habitat, est aussi une problématique clé dans les territoires hyper-ruraux, qui sont frappés par la déprise des cœurs de petites villes et bourgs, la vétusté, la précarité énergétique, privés de leur seule capacité d’accueil porteuse à long terme »


    Enjeux

    Les bourgs et petites villes des territoires hyper-ruraux jouent un rôle capital dans le maintien de ces territoires en constituant leur armature de centralités, sans lesquels ils ne peuvent tenir. En fournissant les services de proximité, la gamme des services intermédiaires et quelques services de pôles urbains, ces centralités constituent les bassins de vie et bassins d’emploi sans lesquels une vie « normale » ne peut être envisagée. La plupart sont pourtant en situation très précaires, subissant la désindustrialisation rurale, le reflux des services publics… la plupart étant déjà en situation critique.

    Une telle évolution territoriale, en forme de fatalité, se trouve en réalité aggravée par la nature des politiques publiques existantes en matière de logement, d’urbanisme et d’aménagement.

    L’appel à projet lancé par la Ministre de l’Egalité des territoires, avec l’appui du CGET, sur les centres bourgs est une initiative intéressante à suivre, mais elle n’est pas ciblée spécifiquement sur les territoires les plus nécessiteux.

    Il importe en particulier de renforcer significativement les politiques en faveur de la revitalisation des cœurs de bourg hyper-ruraux, et plus particulièrement de la remobilisation du bâti ancien peu ou pas occupé (voir chapitre 2.3), au cœur des problématiques rencontrées par les communes hyper-rurales. Si la réouverture prévue du prêt à taux zéro dans l’ancien est une mesure favorable, elle est insuffisante et doit être accompagnée d’actions énergiques.

    En abandonnant les centre-bourgs au profit de constructions pavillonnaires en périphéries, ces communes, à rebours de l’idée reçue, organisent sans le mesurer la paupérisation future de leurs habitants et se privent d’une capacité d’accueil durable en matière d’habitat pouvant demain les aider à retrouver une réelle attractivité porteuse de la vie communale.


    Propositions

  • Mettre en place dans les territoires hyper-ruraux une fiscalité dérogatoire sur le bâti vacant, afin d’inciter les propriétaires à remettre leur bien en état et le valoriser, ou le vendre

  • Y assouplir les critères d’intervention de l’ANAH, en s’appuyant sur les projets de territoire au-delà des seuls critères chiffrés et cibler les propriétaires les plus nécessiteux

  • Mettre en place des aides spécifiques à la démolition et requalification en cœur de bourg hyper-ruraux, permettant de traiter des bâtiments manifestement inadaptés aux modes de vie actuels et aux attentes des habitants, en conditionnant le cas échéant à un projet global d’aménagement du bourg

  • Ouvrir les dispositifs de financement à l’auto-réhabilitation afin de ne pas défavoriser ce mode de rénovation (ex. : TVA à 20% hors intervention d’un artisan), sous réserve que cette réhabilitation soit accompagnée par des professionnels

  • Développer des outils de portage foncier et immobilier capables de pallier l’absence de dynamisme des acteurs privés et les faibles ressources des communes hyper-rurales, à la condition de projets d’intervention globaux. Revisiter à cette occasion le droit de préemption.

  • Développer, grâce au réseau national d’expertise pour l’hyper-ruralité, une réflexion spécifique en matière d’urbanisme commercial et de politique commerciale destinés aux territoires hyper-ruraux.



Remerciements


Alain BERTRAND remercie

  1. Cyril GOMEL, chargé de mission au Conseil général de l’environnement et du développement durable,

    Mme Aurélie MAILLOLS et M. Maxence GILLE, attachés parlementaires,

    ainsi que toutes les personnes, experts, scientifiques, spécialistes, ayant participé à leur réflexion sur l’hyper-ruralité.

    Remerciements particuliers et chaleureux à M. Mohamed HILAL (INRA), M. Laurent DAVEZIES (CNAM), M. Jean-Marc MACE (CNAM), M. Max BARBIER (CGET), M. Vivien

    ROUSSEZ (CGET) et M. Stéphane GRASSER (SCIC l’ARBAN) pour leurs contributions spécifiques et fortes.


    Annexes



    1. lettres de mission des 14 février et 11 avril 2014

    2. Méthode d’identification et portrait des territoires hyper-ruraux (issue de la contribution à la mission fournie par Mohamed HILAL)

    3. Approche socioéconomique de communes hyper-rurales (issue de la contribution à la mission fournie par Laurent DAVEZIES)

    4. Approche des enjeux territoriaux de santé en secteur hyper-rural (issue de la contribution à la mission fournie par M. Jean-Marc MACE)

    5. Liste des personnes auditionnées

    6. Références bibliographiques

    7. Liste des abréviations

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Annexe 1 : lettres de mission des 14 février et 11 avril 2014



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Annexe 2 : méthode d’identification et portrait des territoires hyper-ruraux

à partir de la contribution à la mission fournie par M. Mohamed HILAL, géographe et ingénieur de recherche INRA UMR1041 CESAER



La méthode d’identification des territoires hyper-ruraux part de la « Typologie des campagnes françaises » établie en 2011 pour la DATAR. Il s’agit d’un vaste travail de croisement et synthèse de nombreux indicateurs statistiques, qui aboutit à un classement de la ruralité en 7 types de territoires regroupés en 3 familles :


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L’hyper-ruralité fait partie de la 3e famille « Campagnes vieillies à très faible densité ».

Seules les communes de cette famille (divisée elle-même en 3 types) ont été prises en compte.

Ce classement seul a paru insuffisant pour caractériser l’hyper-ruralité, qui est également liée à des enjeux d’enclavement.

Il a donc ensuite été tenu compte du classement des communes selon leur éloignement des pôles d’emplois40 et pôle de service courants41 les plus proches.

Ces données ont alors été combinées à l’échelle des bassins de vie42, découpage du territoire établi par l’INSEE selon des indicateurs socio-économiques reflétant le vécu du quotidien.


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40 pôles urbains (de plus de 5000 emplois) selon la classification INSEE

41 Pôles de services intermédiaires selon la classification INSEE. Une commune est dite pôle de services intermédiaires si elle possède au moins 17 équipements sur les 34 de la gamme intermédiaire (BPE 2011). La gamme intermédiaire comporte 8 services aux particuliers

(trésorerie, contrôle technique, auto-école, blanchisserie, …), 13 types de commerces (supermarché, droguerie, quincaillerie, magasins de chaussures, de vêtements, de meubles, …), 1 d’enseignement (collège), 7 de santé-social (laboratoire d’analyse médicale, ambulance, orthophoniste, garde d’enfants d’âge préscolaire, hébergement de personnes âgées…) et 5 de sports, loisirs et cultures (bassin de natation, athlétisme, salle ou terrain de sport spécialisé, …)..

Contrairement à d’autres cartographies concernant les territoires ruraux (comme les actuelles zones de revitalisation rurale), des indicateurs comme le taux de chômage ou encore le niveau de revenu, ne sont pas pris en compte. En effet, ils ne sont pas pertinents pour caractériser l’hyper-ruralité.


Etape 1 : Sélection des données de départ à l’échelle communale


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  • Utilisation des données relatives aux communes des 3 catégories relevant de la famille

    « campagnes vieillies à faible densité »


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    42 INSEE 2012

  • Utilisation des données relatives au temps d’accès (trajet routier aller-retour) entre chaque commune et le pôle urbain ou le pôle de services intermédiaires le plus proche, par rapport à la médiane nationale pour la population (respectivement 17 et 10 min).


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    Etape 2 : établissement de gradients de ruralité et d’enclavement à l’échelle des bassins de vie

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    « GRADIENT DE RURALITE » : R

  • établi en fonction du pourcentage de communes qui, pour chaque bassin de vie, relève de la famille des « campagnes vieillies à très faible densité » de la typologie.

    « GRADIENT D’ENCLAVEMENT » : E

  • établi en fonction du pourcentage de communes qui, pour chaque bassin de vie, sont situées à plus de 17 min du pôle urbain le plus proche et à plus de 10 min du pôle intermédiaire le plus proche (médianes de la population nationale).


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    Etape 3 : identification des territoires hyper-ruraux par croisement des 2 gradients


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  • Sont classés hyper-ruraux tous les bassins de vie a minima :

    • très ruraux et moyennement enclavés (R ≥75 % et E ≥35 % en nombre de communes du bassin de vie)

    • ou moyennement ruraux et très enclavés (R ≥ 50 % et E> 60 %)

Annexe 3 : Approche socioéconomique d’un panel de communes hyper-rurales

A partir de la contribution fournie par M. Laurent DAVEZIES, économiste, professeur au CNAM et à l'université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC), expert indépendant



M. Laurent DAVEZIES a analysé pour la mission les indicateurs socio-économiques relatifs à un panel d’environ 2 400 communes parmi les plus hyper-rurales, caractérisées par une proportion très élevée d’actifs agricoles (30 %). Leur population est de 300 habitants en moyenne.

Leur localisation se montre globalement cohérente avec les bassins de vie hyper-ruraux.


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Sur le plan démographique, ces communes, qui ont enregistré un effondrement de leur population sur la période 1975-2009 (-24%), se distinguent par un retournement de tendance depuis 2006. Le solde naturel y reste négatif mais le solde migratoire y est désormais positif.

De même, sur le front de l’emploi salarié, elles ont traversé la crise avec une tendance à la création nette (+2%), alors que les autres territoires reculaient fortement en 2008-2009 (-2,2% en seulement 14 mois). En matière de revenus, ces communes poursuivent un rattrapage sur la moyenne française depuis 1999, sans qu’il soit achevé à ce jour (encore 20% d’écart), avec un possible artéfact dû à l’évolution des aides agricoles.

Le taux de propriétaire élevé (82%) constitue un facteur de stabilisation, contrairement aux métropoles ou règne désormais l’insécurité en matière de logement.

Des vulnérabilités apparaissent en revanche : la distance moyenne parcourue pour accéder à l’emploi est élevée (26km contre 17 pour le reste du territoire), et l’accès à de nombreux services reste problématique.

Annexe 4 : Approche des enjeux territoriaux de santé en secteur hyper-rural

A partir de la contribution fournie par M. Jean-Marc MACE, Professeur de géographie de la santé et d'aménagement sanitaire du territoire, CNAM Paris



M. Jean-Marc MACE a analysé pour la mission la problématique des services de santé présents dans les territoires hyper-ruraux, et a notamment établit une carte du risque létal suite à AVC, en lui superposant la part d’actifs agricoles dans la population communale.

Population par code postal en 2010 à plus de 50 kilomètres d’une unité hospitalière de neuro- vasculaire (stroke center pour AVC) (sources : INSEE 2010 et DGOS 2013)-traitement de données Jean Marc Macé (CNAM)


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Les populations distantes de plus de 50 kilomètres d’un « stroke center » pour AVC sont plus exposées que les autres. 4,7 millions d’habitants ont un risque deux fois plus élevé faire un accident vasculaire cérébral (15,3/1000000 contre 8/1000000), et dont le nombre de décès par AVC est significativement défavorable (X² = 5,51) avec un taux de décès de 16/1000 AVC contre 11,3/1000 AVC.


Zones UNV Population totale Nb AVC Nb DC par AVC AVC/1 000 000 hab Taux décès/1000 AVC X² > p

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< 50 KM 58 824 063 41 605 469 8,0 11,3 5,51 0,0189

> 50KM 4 769 355 4 557 73 15,3 16,0 5,51 0,0189

Annexe 5 : liste des auditions


Prénom et NOM

Titre

Date

Mme Frédérique MASSAT

Députée de l’Ariège, Présidente de l’association nationale des élus de la montagne (ANEM)

20/5/14

Pierre BRETEL et Olivier RIFFARD

Respectivement délégué général de l’ANEM et chargé de mission à l’ANEM

20/5/14

M. Aymeric MOLIN

Chargé de mission LGV, infrastructures et TIC – Préfecture de la Poitou-Charentes

21/5/14

M. Mohamed HILAL

Géographe, ingénieur de recherche INRA/CESAER Dijon

21/5/14

Mme Carole DELGA

Députée de Haute-Garonne, co-auteur d’un rapport sur la qualité et l’accessibilité des services publics, remis à la Ministre de l’égalité des territoires et du logement

22/5/14

M. Alain CALMETTE

Député du Cantal, missionné par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale sur les ZRR

22/5/14

Mme Catherine FERRIER et M. Patrick LABIA

Respectivement membres de l’inspection générale de l’administration (IGA) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), chargés par le Gouvernement d’une mission relative l’évaluation du dispositif des ZRR

3/6/14

M. Laurent DAVEZIES

Economiste, professeur au CNAM et à l'université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC), expert indépendant

4/6/14

M. Jean-Marc MACE

M. Jean-Marc MACE, Professeur de géographie de la santé et d'aménagement sanitaire du territoire au CNAM Paris

5/6/14

M. Alain FAUCONNIER

Sénateur de l’Aveyron, Président d'honneur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité

5/6/14

M. Jacques MEZARD

Sénateur du Cantal, Président du groupe RDSE au Sénat

17/6/14

M. Christian CHOQUET,

Préfet de la Creuse

7/7/14

M. Rémi RECIO

Secrétaire général de la préfecture de la Creuse

7/7/14

Mme Florence TESSIOT

Sous-préfète d’Aubusson

7/7/14

M. Didier KHOLLER & coll.

Directeur départemental des territoires (DDT) de la Creuse

7/7/14

M. Jacky GUILLON

Vice-président du Conseil général de la Creuse, Président de la communauté de communes Creuse Thaurion Gartempe

7/7/14

M. Patrick AUBERT

Vice-président du Conseil général de la Creuse, adjoint au Maire de Fransèches

7/7/14

M. Daniel DELPRATO

Maire de Fransèches

7/7/14

M. Jean-Luc LEGER

Vice-Président du Conseil Général de la Creuse, adjoint au maire de Saint-Marc-à-Loubaud

8/7/14

Mme Catherine MOULIN

Maire de Faux-la-Montagne

8/7/14

M. Thierry LETELLIER

Maire de La Villedieu, Vice-Président de la communauté de communes Creuse Grand Sud

8/7/14

Olivier DAVIGO

SAPO Ambiance Bois, administrateur de la SCIC l'ARBAN

8/7/14

Michel LULEK

SCOP La Navette, Président de la SCIC l’ARBAN

8/7/14

M. Stéphane GRASSER

Directeur SCIC l’ARBAN

87/14


Outre ces auditions :

Ayant sollicité Mmes et Mrs les Maires de Lozère, M. Alain BERTRAND a reçu les contributions écrites de :

  • M. Daniel MEYNADIER, Maire de Rousses

  • M. Rémi NOËL, Maire de Saint-Laurent de Trèves

  • M. Denis SEGUIN, Maire de Le Recoux

  • M. Alain VENTURA, Maire de Saint-Frézal de Ventalon


    Alain BERTRAND a également auditionné les sénateurs et députés de l’hyper-ruralité le 18 juin 2014. Par leur expérience de terrain, ils ont contribué à l’élaboration des mesures et recommandations.

    Annexe 6 : références bibliographiques



  • Laurent Davezies. La crise qui vient: la nouvelle fracture territoriale. Édition : Seuil, 18 octobre 2012

  • Laurent Davezies. La crise et nos territoires : premiers impacts, rapport préparé pour l'Assemblée des Communautés de France et l'Institut Caisse des Dépôts pour la Recherche, octobre 2010

  • L. Davezies et M. Talandier. « L’émergence des systèmes territoriaux productivo- résidentiels », , CGET, coll. Travaux n°19, éd. La Documentation Française (Juillet 2014)

  • Eloi Laurent et al. « Vers l’égalité des territoires, dynamiques, mesures, politiques », rapport remis à Mme la ministre de l’égalité des territoires (2013)

  • Commissariat général à la stratégie et à la prospective « Quelle France dans 10 ans ? », contribution au séminaire gouvernemental du 19 août 2013

  • « Typologie des campagnes françaises et des espaces à enjeux spécifiques (littoral, montagne et DOM) », Mohamed Hilal, Aleksandra Barczak, François-Pierre Tourneux, Yves Schaeffer, Marie Houdart, Dominik Cremer-Schulte (DATAR, 2011)

  • Rapport d’étape du 25 février 2014 de la mission d’information sur les ZRR de MM. Calmette et Vigier, députés (Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale)

  • « Campagnes, le grand pari », rapport de la mission « Nouvelles ruralités » de l’assemblée des départements de France (2013)

  • Jean-Pierre Weiss et Jean-Marc Rebière, « la stratégie d’organisation à 5 ans de l’administration territoriale de l’Etat », rapport au Premier Ministre (2013)

  • « Bilan de la RGPP et conditions de réussite d’une nouvelle politique de réforme de l’Etat » rapport conjoint IGA-IGF-IGAS (2012)

  • « Qualité du dire de l’Etat aux regard des enjeux du Grenelle dans les domaines de la planification spatiale, du logement et des transports », audit thématique du CGEDD (2013)

Annexe 7 : Liste des abréviations


Acronyme

Signification

ACOSS

Agence centrale des organismes de sécurité sociale

AdCF

Assemblée des communautés de France

ANAH

Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat

ANEM

Association nationale des élus de la montagne

AVC

Accident vasculaire cérébral

CDI

Centre départemental des impôts

CEA

Commissariat à l’énergie atomique

CGAAER

Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux

CGCT

Code général des collectivités territoriales

CGEDD

Conseil général de l’environnement et du développement durable

CGET

Commissariat général à l’égalité des territoires

CIADT

Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire

CNRS

Centre national de la recherche scientifique

CPER

Contrat de plan Etat - Région

DATAR

Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale

DDCS/PP

Direction départementale de la cohésion sociale/ de la protection des populations

DDI

Direction départementale interministérielle

DDT

Direction départementale des territoires

DETR

Dotation d’équipement des territoires ruraux

DSR

Dotation de solidarité rurale

EPCI

Etablissement public de coopération intercommunale

FEADER

Fonds européen agricole pour le développement rurale

FEDER

Fonds européen de développement régional

FISAC

Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce

FNADT

Fonds national d’aménagement et de développement du territoire

FSE

Fonds social européen

FTHD

France très haut débit

GPEC

Gestion prévisionnelle des emplois et compétences

IGA

Inspection générale de l’administration

IGAS

Inspection générale des affaires sociales

IGF

Inspection générale des finances

INSEE

Institut national de la statistique et des études économiques

LEADER

Liaison entre actions de développement de l’économie rurale

MAP

Modernisation de l’action publique

PAT

Prime d’aménagement du territoire

PER

Pôle d’excellence rural

PLU

Plan local d’urbanisme

PME

Petite ou moyenne entreprise

RéATE

Réforme de l’administration territoriale de l’Etat

RFF

Réseaux ferrés de France

SCoT

Schéma de cohérence territoriale

SGMAP

Secrétariat général à la modernisation de l’action publique

SMUR

Service mobile d’urgence et de réanimation

SNCF

Société nationale des chemins de fers

SRADDT

Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire

SRDE

Schéma régional de développement économique

TGI

Tribunal de grande instance

TIC

Technologies de l’information et de la communication

TVA

Taxe sur la valeur ajoutée

UNESCO

Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture

ZRR

Zone de revitalisation rurale